Point de vue

Attention, ésotérisme : le Bluetooth me crame le cerveau

Thomas Meyer
10/8/2023
Traduction: Sophie Boissonneau

Les technologies modernes sont une bénédiction, mais aussi souvent une malédiction pour moi. Les appareils Bluetooth me donnent mal à la tête, mais jusqu’à présent, je n’avais jamais rien vécu d’aussi horrible que d’essayer une Tesla.

Ce texte reflète l’opinion de Thomas Meyer, auteur externe à notre équipe de rédaction, et non l’opinion de Digitec Galaxus ou de la traductrice. Les appareils en question ne font pas partie de notre assortiment et nous ne comptons pas les y ajouter.

Avertissement : cet article traite de l’électrosensibilité. Si vous roulez déjà des yeux, mieux vaut pour vous ne pas en poursuivre la lecture. Il contient, en effet, de nombreux autres termes issus du monde de l’ésotérisme, mais aussi un regard critique.

Vous êtes encore là ? Venons-en au sujet de l’article : les personnes électrosensibles se sentent mal lorsqu’elles se trouvent à proximité d’antennes relais de téléphonie mobile, d’appareils Bluetooth, de routeurs WiFi, de cuisinières à induction ou d’autres générateurs puissants d’ondes à haute fréquence. Je fais partie de ces personnes.

Électrosmog en voiture

J’ai pris conscience de ce problème pour la première fois après avoir changé de véhicule il y a cinq ans. Ma première voiture était une Seat Ibiza ST. Une petite voiture formidable, mais malheureusement produite en rognant sur certains coûts, ce qui avec le temps commençait à poser de plus en plus de problèmes. Bref, sept ans plus tard, j’ai acheté une Honda Civic. Contrairement à l’Ibiza, elle était équipée du GPS, du Bluetooth et du WiFi. Je n’utilisais que le GPS, mais au bout d’environ 30 minutes de trajet, j’avais des maux de tête diffus inexplicables.

Pour ma mère, c’était clair comme de l’eau de roche. Cela faisait déjà longtemps qu’elle s’intéressait à l’ésotérisme et s’insurgeait contre à peu près tous les appareils possédant plus qu’un câble d’alimentation. J’étais donc pour ainsi dire déjà sensibilisé et à ses premières exclamations horrifiées (« Quoi ! Du Bluetooth dans ta voiture ? Mon pauvre enfant… »), j’ai commencé à chercher des solutions pour harmoniser les champs électromagnétiques. Oui, c’est comme ça qu’on dit. On parle aussi de neutraliser les ondes.

Super : pas de GPS, pas de Bluetooth, pas de WiFi ! Malheureusement la qualité n’est pas non plus au rendez-vous.
Super : pas de GPS, pas de Bluetooth, pas de WiFi ! Malheureusement la qualité n’est pas non plus au rendez-vous.
Source : Thomas Meyer

Rien que de l’air

J’ai rapidement trouvé mon bonheur sur Internet et me suis empressé d’acheter un « kit voiture memonizer » pour 468 francs. Ça n’est pas donné, mais mes différents maux m’ont vite conduit à penser que ça en valait la peine. J’ai reçu deux petits boîtiers, un pour l’électronique générale de la voiture et l’autre pour le GPS, le WiFi et le Bluetooth. Les deux boîtiers se sont aussitôt montrés redoutablement efficaces, fini les maux de tête et l’impression de sortir exténué de la voiture après le moindre trajet. Étonné, j’ai écrit au fabricant pour lui demander comment cela pouvait être possible et ce que contenaient exactement les boîtiers.

« Rien », m’a-t-on répondu. Un peu comme l’homéopathie, les boîtiers n’agiraient pas, mais seraient de simples récepteurs : « Notre technologie module les fréquences des champs électromagnétiques à l’aide de fréquences naturelles. Pour ce faire, les fréquences du champ d’action énergétique de la lumière solaire sont stockées sur du silicium. »

Encore une fois, je comprends bien sûr toutes celles et ceux qui secouent la tête, attribuent ma « guérison » à l’effet placébo ou pensent que ce sont celles et ceux qui ont un problème avec le Bluetooth qui devraient être neutralisé·es. Le champ d’action de l’énergie solaire… Ça paraît complètement fou, mais voilà des années que ça m’aide.

Le memonizer à l’œuvre : des boîtiers vides sacrément efficaces.
Le memonizer à l’œuvre : des boîtiers vides sacrément efficaces.
Source : Thomas Meyer

Valeurs limites et conséquences

De nombreuses études ont examiné et prouvé l’influence négative des micro-ondes sur les êtres humains, les plantes et les animaux. Cependant, comme c’est souvent le cas pour les découvertes scientifiques, celles-ci sont ignorées ou tout simplement niées. « Aucune étude ne le démontre ! », ai-je ainsi entendu à maintes reprises. Et lorsque je présente des études : « Mais tout ça n’est pas sérieux. »

Or l’Organisation mondiale de la santé (OMS) classe les rayonnements des téléphones portables comme « potentiellement cancérigènes », en Allemagne l’Office fédéral de protection contre les radiations (BfS) recommande de « minimiser l’exposition personnelle aux rayonnements par sa propre initiative afin de prévenir les risques éventuels », en Suisse, l’Office fédéral de la santé publique (OFSP) déclare à propos du Bluetooth : « Des incertitudes subsistent quant aux effets sur la santé en cas d’exposition à long terme à des champs électromagnétiques à haute fréquence », et l’Office fédéral de l’environnement (OFEV) écrit sur son site web : « Différentes études fournissent des indications sur des effets biologiques même en cas de faible exposition aux rayonnements n’excédant pas les valeurs limites. Ainsi, les faibles rayonnements à haute fréquence peuvent modifier les ondes cérébrales et influencer la circulation sanguine et le métabolisme du cerveau. On ne connait pas encore l’étendue de l’influence de ces effets sur la santé. »

Les valeurs limites restent théoriques. Elles sont exclusivement fixées en fonction de l’échauffement du corps. L’OFSP écrit à ce sujet : « La dose significative pour les CEM à haute fréquence est l’énergie de rayonnement absorbée par le corps par unité de temps et par unité de poids. Celle-ci constitue le taux d’absorption spécifique (TAS, exprimé en Watt par kilogramme, W/kg). »

La valeur limite TAS (taux d’absorption spécifique) prescrit donc uniquement la quantité de chaleur qui peut être produite dans un kilogramme de tissu humain par l’utilisation d’un appareil. Un appareil Bluetooth de la classe de puissance 2 (puissance d’émission maximale de 1,9 milliwatt, portée de 40 mètres) a une valeur limite TAS de 0,03, ce qui est bien sûr une bagatelle et semble inoffensif par rapport à un iPhone 14 (0,98) ou un Google Pixel 7a (0,99).

Mais le rayonnement des micro-ondes a également des effets dits athermiques : des perturbations au niveau des membranes cellulaires, des dommages biochimiques (stress oxydatif) et des dommages dus à la perturbation de la communication cellulaire. Ces effets apparaissent avec un certain retard et ne peuvent donc être détectés que plus tard ; leurs conséquences sont cependant multiples : troubles du sommeil, maux de tête, nervosité, troubles de la concentration, acouphènes, impuissance, troubles de la fertilité, déficience immunitaire, burn-out, hyperactivité, fausses couches et bien d’autres.

Respect des valeurs limites

Vous pensez probablement que je n’invente pas ces maux, mais que j’incrimine les mauvaises causes, que je ne peux pas sentir les ondes et qu’elles opèrent dans les limites officielles.

Or, les valeurs limites ne couvrent qu’une partie des effets, celle des dommages causés par la chaleur, et ce n’est pas parce qu’on ne peut pas sentir de lien direct qu’il n’existe pas. Vous souffrez peut-être vous-même de maux de tête chroniques ou de fatigue que vous attribuez à toutes les causes imaginables, sauf la véritable cause. Par exemple, les écouteurs Bluetooth que vous portez à longueur de journée ou pour vous endormir comme le raconte un collègue ici. Ou l’antenne 5G sur le toit de l’immeuble voisin.

En parlant de la 5G : la valeur limite pour les installations de téléphonie mobile (5 volts par mètre) est loin d’être toujours respectée. Les cantons mesurent le rayonnement et constatent régulièrement des valeurs allant jusqu’à 11 volts par mètre. Une antenne sur cinq émet un rayonnement trop fort et dans le canton de Berne, c’est même le cas d’une antenne sur deux. À Saas Fee, une antenne émettait près de 24 volts par mètre.

Les valeurs limites sont donc théoriques. Une motion parlementaire veut d’ailleurs les porter à 20 volts par mètre.

La 5G à Zurich, ou plus précisément Zurich dans la 5G.
La 5G à Zurich, ou plus précisément Zurich dans la 5G.
Source : Capture d’écran : Thomas Meyer

Le nouvel ordre mondial en veut à la population !

Il est malheureusement devenu très difficile d’ouvrir un véritable débat sur certains thèmes et la pandémie de Covid-19 n’a fait qu’empirer les choses. Peu importe le sujet, on voit immédiatement deux camps se former, chacun persuadé de détenir la vérité et considérant la partie adverse comme stupide et aveuglée. Dans la plupart des cas, le débat vire rapidement à la moquerie, puis aux insultes. Le sujet devient alors tabou et est condamné à la marginalité. Ainsi, lorsque je publie un commentaire sur Digitec, il suffit que j’écrive « électrosmog » pour déclencher un raz de marée.

Les personnes qui attirent l’attention sur les dangers potentiels du Bluetooth, du WiFi et de la téléphonie mobile sont souvent ridiculisées. Et pour cause, lorsque l’on cherche à s’informer sur le sujet, on trouve non seulement des sites web et des chaînes YouTube de géopathologues sérieux·ses, mais aussi – enfin, surtout en fait – de personnes fantasques qui pensent que la 5G est une des stratégies perfides de la « juiverie » pour dominer le monde.

Comme j’aimerais bien conduire une voiture électrique pour des raisons écologiques, mais que j’ai des doutes sur l’exposition supplémentaire aux rayonnements, j’ai cherché sur YouTube « électrosmog voiture électrique ». Dans une vidéo, un homme testait un véhicule électrique avec un appareil de mesure des champs électromagnétiques, comme celui que je possède moi-même. Il a toutefois ponctué ses résultats d’insertions complètement folles, dans lesquelles il se répand sur les « terroristes des micro-ondes » et la « dictature du numérique ». Les commentaires n’ont bien sûr pas tardé à affirmer que le nouvel ordre mondial (« New World Order », concept antisémite) « en voulait à la population », ceci expliquant le manque de blindage des véhicules électriques.

Sans commentaire.
Sans commentaire.
Source : Capture d’écran : Thomas Meyer

Comme je l’ai dit : je comprends celles et ceux que ça fait rire, j’en ris moi-même plus bas. Mais ce n’est pas parce que quelques personnes dépassent complètement les bornes qu’ils avaient tort dès le départ.

Tesla rayonne sans limites

J’ai tout de même décidé d’essayer la Tesla Model 3. Une voiture fantastique, dont la version standard est équipée d’un système audio haut de gamme et bien plus encore. Les réglages permettent même de configurer un bruit de pet au lieu du cliquètement habituel des clignotants, son que l’on peut aussi diffuser via les haut-parleurs extérieurs. Le vendeur m’a raconté qu’il arrivait que des hommes se rencontrent par hasard à une station de chargement et se tordent de rire au son des « pets » de leurs voitures. Quel super nouveau monde ! Ça donne envie, j’aimerais être de la partie.

Mais je ne peux pas. Peu après avoir pris la route, j’ai immédiatement eu mal à la tête et ressenti des picotements étranges dans tout le corps. J’étais comme complètement électrisé. Mon appareil de contrôle a mesuré jusqu’à 100 000 microwatts par mètre carré, ce qui est considéré comme très dangereux pour la santé : la valeur indicative en matière de biologie de la construction est de 50 microwatts par mètre carré. Dans une Tesla, vous recevez donc une intensité de rayonnement équivalente à 2000 antennes de téléphone portable. Aïe !

Au bout de dix minutes, j’ai coupé court à l’essai et suis rentré. Dès que je suis descendu de voiture, les symptômes ont disparu.

La mesure dans la Tesla : ça ne peut pas être bon.
La mesure dans la Tesla : ça ne peut pas être bon.
Source : Thomas Meyer

Le vendeur a voulu savoir si j’avais aimé la voiture. J’ai répondu que je serais prêt à l’acheter rien que pour les pets, mais que je ne pouvais malheureusement pas rester à l’intérieur à cause du rayonnement. À ma grande surprise, il ne s’est pas fendu d’une remarque stupide, mais a écouté avec intérêt et a fini par admettre qu’il lui arrivait d’avoir mal à la tête dans sa propre Tesla.

J’ai également dû renvoyer immédiatement les écouteurs Sony que j’avais récemment commandés chez Digitec pour avoir la paix lors de mes voyages en train ou en tram. Aussitôt après les avoir connectés à mon téléphone, j’ai eu l’impression que mon cerveau allait littéralement griller. J’avais aussi mal aux oreilles et des vertiges.

Protection ultime

Je trouve le Bluetooth, le WiFi et le réseau mobile extrêmement pratiques. Je suis également d’avis que l’e-mobilité est une méthode valable pour réduire nos émissions de CO₂. Je pense d’ailleurs aussi que les rayonnements micro-ondes peuvent être sans danger tant qu’ils ne dépassent pas un certain niveau. Mais à mon avis, nous nous sommes une fois de plus laissé·es dépasser par la technologie sans comprendre exactement ce dans quoi nous nous engagions. Les puissances nucléaires ont procédé à plus de 500 essais nucléaires en surface avant de se rendre compte que ça n’était peut-être pas une si bonne idée de rendre des zones entières radioactives et d’adopter un texte interdisant les essais en 1963 (les essais sous-terrain ont bien sûr pris le relai).

La 5G n’a pas été introduite parce que les utilisateur·rices se plaignaient de la lenteur de la 4G, mais parce que l’industrie et la politique sont tout simplement ivres de numérisation. Résultat : le nombre d’antennes s’est multiplié (jusqu’à dix fois plus) et nous sommes irradié·es de tous les côtés 24 heures sur 24. Les cerveaux des enfants qui viennent au monde aujourd’hui sont impactés dès la naissance. Qu’est-ce que cela signifie pour leur développement ? Personne ne le sait vraiment, mais ça ne nous empêche pas de continuer. Pour moi, cela relève de la négligence grave.

Ma lutte contre l’électrosmog m’a depuis conduit à m’équiper plus solidement : mon ordinateur portable, mon iPhone et mon iPad sont tous connectés à Internet via un adaptateur et un câble Ethernet, il n’y a plus de WiFi chez moi. J’ai installé à grands frais un baldaquin entrelacé de fils d’argent sur mon lit. Il me protège de l’antenne relais de téléphonie mobile située près de chez moi. Mesure sur mon balcon : 1000 microwatts par mètre carré. Sur mon lit, je mesure 1 microwatt par mètre carré. Vous ne trouverez pas de valeur aussi basse ailleurs, pas même en plein milieu du lac de Zurich.

À gauche : j’ai mesuré au minimum 100 microwatts par mètre carré sur le lac. À droite : sur mon lit, je suis dans le vert.
À gauche : j’ai mesuré au minimum 100 microwatts par mètre carré sur le lac. À droite : sur mon lit, je suis dans le vert.
Source : Thomas Meyer

Ah, et j’ai acheté des casquettes de baseball cousues avec le même fil d’argent pour moi, mon fils et ma partenaire. Mon Opel Astra a beau être une voiture à essence, elle rayonne quand même pas mal, comme l’ont montré mes mesures. Malgré mon memonizer je préfère jouer la sûreté.

« D’accord, alors on va porter des casquettes en voiture maintenant », a soupiré ma compagne en enfilant la sienne.
« Tu me prends pour un fou ? », ai-je demandé.
« Tu demandes sérieusement ? Avec ton lit de princesse, ton téléphone portable branché et maintenant, ces casquettes ? »
« Oui. »
« En fait, tu as juste envie de t’entendre dire que tu es fou ! »
« Oui. »

Minimiser les rayonnements pour les sceptiques

Vous pouvez penser ce que vous voulez de l’électrosmog. Si vous n’en subissez pas les conséquences, tant mieux. Mais peut-être pourriez-vous quand même baisser la puissance d’émission de votre routeur à 25 %, voire 10 % de ses capacités, ce qui suffit amplement pour la plupart des appartements. Vous pourriez aussi installer une minuterie pour couper le WiFi la nuit. Retrouvez ici d’autres conseils pour réduire votre exposition aux rayonnements. Ce sont des trucs qui prennent une minute, mais peuvent considérablement améliorer votre bien-être.

Pour finir, voilà une citation de la société allemande Telekom, qui écrit dans le mode d’emploi de son routeur : « Évitez d’installer votre Speedport à proximité immédiate de chambres à coucher, de chambres d’enfants et de salles de séjour, afin de réduire au maximum l’exposition aux champs électromagnétiques ».

Pour rester connecté·e, mieux vaut donc maintenir les appareils émetteurs à bonne distance. Voilà une belle façon de résumer ce dilemme.

Photo d’en-tête : Thomas Meyer

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Né à Zurich en 1974, Thomas Meyer est écrivain. Il a travaillé comme rédacteur publicitaire jusqu'en 2012, date à laquelle son premier roman, « Le formidable envol de Motti Wolkenbruch », a été publié. Papa d'un garçon, il a toujours une bonne excuse pour acheter des Lego. Pour en savoir plus sur lui : www.thomasmeyer.ch. 


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