
En coulisse
"J'ai appris que la course à pied peut être très agréable".
par Michael Restin
Je voulais un entraînement pieds nus et j’ai découvert la vérité : mon corps nécessite plus de travaux de réfection que l’A1. Le principal problème se situe au sommet. Pour travailler sur tous ces points en profondeur, c’est surtout la tête qui est sollicitée.
Je ne sais pas si je ressemble à Gollum, le bossu de Notre-Dame, ou si je me tiens droit comme un garde suisse. Mon cou est-il bien droit, l’arc costal relâché et incliné vers l’arrière et le genou juste au-dessus du deuxième orteil ? Le défi qui m’attend est surmontable : monter deux marches. Au lieu de dérouler mes séquences de mouvements façonnées pendant près de 40 ans, je dois le faire correctement cette fois-ci. Un petit pas pour moi, un grand pas pour mon cerveau.
« C’est comme si vous quittiez l’autoroute et que vous rouliez sur un chemin de terre », explique la kinésithérapeute Veronika Wanner. Rien n’est acquis, les progrès sont lents et hésitants. Je ne me sens pas non plus comme une voiture, car rien ne fonctionne automatiquement. J’ai plutôt l’impression d’être un robot mal programmé. Veronika m’aide à harmoniser le matériel et le logiciel. Elle me guide dans le moindre mouvement.
Il n’y a qu’à regarder brièvement mes jambes pour remarquer mon premier problème. Au lieu de guiboles droites, je me retrouve avec des tibias incurvés qui semblent être fixés aux genoux de manière hasardeuse. Au-dessus, les cuisses comme gênées se tournent dans une autre direction. Un sculpteur en première année de formation s’en tirerait mieux.
Si les genoux pointent droit devant, les pieds sont à angle droit. Si les pieds sont parallèles, les rotules sont tournées vers l’intérieur. J’ai des jambes plus qu’arquées. Avec un peu d’imagination, on peut y reconnaître la moitié de l’alphabet. Merci, les gènes. Merci, le foot. Au lieu de faire des nœuds dans les jambes de mes adversaires comme le faisait autrefois le génial Garrincha, malgré son anatomie imparfaite, je suis devenu un employé de bureau courbé sur son clavier huit heures par jour. Bonjour la cyphose et la lordose.
« Je vois rarement des gens bien coordonnés, dit Veronika pour me consoler. Les petits enfants ont généralement une très bonne posture et quelques-uns ont la chance de la conserver à l’âge adulte. » Pour tous les autres, les choses finissent par aller de travers à un moment donné.
Nous nous retrouvons sur le terrain du club FC Oberwinterthur pour commencer l’inventaire de mon corps. Je ne suis pas assez naïf pour penser qu’il ne s’agit que d’un problème de pied plat et que je vais pouvoir enfin tirer le maximum de puissance de mes mouvements. Il n’est pas question de continuer ainsi. Le temps presse, je dois faire quelques changements. La tour de Pise se serait effondrée il y a longtemps sans travaux de restauration.
« As-tu des douleurs ou des problèmes ? », commence par demander Veronika en prenant des notes. J’énumère les points problématiques que je connais et je pense surtout à mes genoux. Cette articulation à charnière ingénieuse au point de vue anatomique endure bien des choses au cours de notre vie et, bizarrement, elle fonctionne encore relativement bien chez moi. Parfois, le genou droit me fait mal après une longue course ou lors d’une descente raide, contrairement à mes connaissances aux jambes parfaitement droites qui souffrent régulièrement de déchirures des ligaments croisés et de ménisques coincés.
Depuis un certain temps, je teste des chaussures minimalistes et j’ai l’impression que mes genoux réagissent positivement. J’ai contacté Veronika parce qu’elle a elle-même réussi à venir à bout de problèmes similaires et que par le biais de son travail, elle aide les autres à réajuster leur corps intelligemment au plan anatomique.
« Fais quelques pas s’il te plaît », me dit Veronika. Gauche, droite, gauche, droite, gauche, droite. Je maîtrise. Je fais de mon mieux, je me retourne et je vois les sourcils froncés de Veronika. « Comment lui annoncer la vérité ? », semble-t-elle penser avant de me faire monter quelques marches et de me faire courir tranquillement sur le gazon artificiel. Aller et retour en suivant la ligne.
Alors que je ne faisais attention qu’à mes pieds et à mes genoux, Veronika a analysé l’ensemble de mes mouvements : « Le plus frappant est que l’axe de ta jambe n’est pas droit et que ton genou tourne vers l’intérieur lorsqu’il est sollicité », annonce l’experte en partant du plus évident. Mais elle est loin d’avoir fini : « Quand tu cours, tu es en asymétrie. Ton épaule droite se lève alors que le bassin est tordu sur la droite. Là aussi, l’axe de la jambe dévie. »
Aïe ! C’est la crise de la quarantaine du coureur. Donnez-moi un déambulateur ! Ce n’est guère flatteur d’avoir ses propres défauts physiques répertoriés ainsi. « De quoi devrions-nous nous occuper ? », demande Veronika, car une heure de coaching ne suffit évidemment pas à tout résoudre. Faut-il se concentrer sur les jambes ? La hanche ? Le dos ? Les épaules ? Ou les pieds ? J’opte pour le programme complet en version accélérée. Comme ça, je sais au moins où nous allons. Elle commence par une bande élastique et un banc.
Nous posons le pied gauche sur le banc et poussons le genou d’avant en arrière. « La rotule doit se positionner exactement au-dessus du deuxième orteil », explique Veronika. « Les genoux en dedans traduisent généralement une faible activité du plancher pelvien et des rotateurs externes. » En théorie, ce que je dois faire pour contrer cela est clair. Mais pour moi, c’est difficile. Quand mon pied est droit, le genou se tourne vers l’intérieur. La partie inférieure de la jambe a tendance à pivoter vers l’extérieur. « Avec les mains, tu peux saisir le mollet et la cuisse et accompagner le mouvement », me montre la kiné.
Conseil pour vérifier votre posture : asseyez-vous sur une chaise devant un miroir. Les pieds sont parallèles et droits. Le deuxième orteil pointe vers l’avant, le genou est dans l’alignement au-dessus de l’articulation de la cheville. Lorsque vous vous mettez debout, vos genoux doivent rester en position et ne pas se dérober.
Pour obtenir le même effet en marchant et en restant debout, Veronika fabrique un bandage avec la bande élastique. Cette dernière est enroulée autour du pied puis autour du bas de la jambe en partant de l’extérieur de façon à ce que le pied tourne légèrement vers l’intérieur. Le tour suivant pousse la cuisse vers l’extérieur avant que la bande ne s’enroule autour des hanches et disparaisse dans la ceinture.
Tourner la cuisse vers l’extérieur et le bas de la jambe vers l’intérieur lors de la marche semble incorrect et c’est pourtant ce qu’il faudrait faire. À chaque pas, à chaque marche, je dois me concentrer et corriger mes mouvements en fonction des commentaires de Veronika. Veronika est scientifique du sport spécialisée dans la prévention et la réhabilitation. Ce n’est qu’après avoir suivi une formation complémentaire en Spiraldynamik qu’elle a trouvé ce qui lui manquait personnellement : un concept clair.
Un manuel d’instructions pour des mouvements intelligents au plan anatomique. Ceux-ci comprennent généralement une composante spiralée ; par exemple, lorsque la colonne vertébrale tourne à gauche puis à droite lors de la marche. D’où le nom de Spiraldynamik. « C’est une approche extrêmement différenciée, estime Veronika. Pour beaucoup, c’est très difficile au début parce qu’elle exige un haut niveau de conscience du corps. »
Je vois l’intérêt de cette approche, notamment parce qu’elle oblige le cerveau à participer. Premier constat : les petites corrections destinées à harmoniser le tout peuvent être épuisantes. Surtout pour la tête, qui doit lutter contre les séquences de mouvements automatisées. Cela fonctionne si je me concentre sur une chose : faire une fente, monter une marche, se lever du banc, faire quelques pas en allant droit devant. Dès que le rythme s’accélère, les choses se compliquent.
Je défais la bande élastique. « Comment ça va maintenant ? », demande Veronika lors des étapes suivantes. C’est plus facile qu’au début, le pense-bête en caoutchouc a rempli son rôle et continue à faire effet. Néanmoins, il m’arrive plus d’une fois de me rappeler moi-même à l’ordre. « Au début, on se sent comme le dernier des imbéciles », dit Veronika. Je confirme. « Au moment où tu maîtrises bien quelque chose, d’autres mouvements sont à nouveau oubliés. Mais cela s’améliore avec le temps et les nouvelles séquences de mouvements s’installent. »
La nature nous a fait don de sept vertèbres cervicales, douze vertèbres thoraciques et cinq vertèbres lombaires habilement amorties et organisées de manière souple. Veronika a apporté un modèle et me montre les points où je la sollicite défavorablement. « Tu sais que tu as tendance à te cambrer et que tu as le dos rond », dit-elle en pliant la colonne vertébrale en plastique pour illustrer le problème. La forme naturelle en double S présente alors deux courbes exagérées. L’une compense l’autre. Ce n’est pas bon, je suis conscient du problème et je l’ai résolu jusqu’à présent avec un succès modeste par des étirements, du renforcement, divers entraîneurs de posture.
« Tu as la mobilité nécessaire pour redresser les lombaires, c’est déjà un point positif », constate Veronika qui a posé le modèle en plastique et repositionne mon dos. C’est faisable, quand j’y réfléchis. Jusqu’à présent, je pensais que cela s’appliquait à toute ma posture : abaisser le coccyx, rapprocher les omoplates, ramener le menton en arrière, et voilà. Faux ! « Rapprocher les omoplates n’est pas ce que nous voulons vraiment, explique Veronika. L’important est de faire en sorte que les côtes inférieures suivent le mouvement et que la cage thoracique s’ouvre. »
Conseil pour vérifier votre posture : tenez-vous dos à un poteau ou à un cadre de porte et redressez-vous. La colonne lombaire doit être écartée d’un à deux doigts, le point de contact de la colonne thoracique doit être relativement bas. Idéalement, l’arrière de la tête s’appuie détendu sur la ligne de contrôle.
Ouvrir la cage thoracique ? Pour moi, c’est un mouvement quasi impossible. Mon corps a trouvé des alternatives confortables au prix de quelques tensions. « Les côtes inférieures comptent énormément dans les douleurs d’épaules et de dos, on en a rarement conscience », explique Veronika. Pendant qu’elle critique la position de mes côtes et les corrige par une légère pression, un constat apparaît : j’ai oublié les sensations caractéristiques de la posture idéale.
« Maintenant, tu te tiens droit », conclut Veronika. Je me dis au même moment : ça fait bizarre de se tenir ainsi. Pendant les premiers exercices, je pouvais regarder mes genoux, maintenant je n’ai plus de repère visuel. Les deux marches à monter deviennent finalement un obstacle qui met à mal ma coordination. Tourner le bas de la jambe vers l’intérieur, tourner la cuisse vers l’extérieur, abaisser le coccyx, rentrer l’arc costal... Attends, c’était comment déjà la posture ?
J’essaie de suivre les instructions de Veronika en montant et en descendant les marches. Sans repère dans l’espace, je prends tout mon temps. Je monte, je descends. Je monte, je descends. Parfois, je reçois des compliments pour des changements que je remarque à peine, parfois j’ai droit à des corrections sans ambages. Le bassin bien droit ! Et surtout : plus de rotation au niveau de la colonne thoracique.
« Cette capacité de rotation s’est perdue chez la grande majorité des gens », estime Veronika. Je compense inconsciemment cette lacune à d’autres endroits. C’est pourquoi elle insiste : « Les côtes inférieures doivent rester en place, ce qui bloque automatiquement la mobilité excessive au niveau de la transition entre la colonne lombaire à la colonne thoracique. » Ce sont de petits détails éclairants dont je ne peux pas encore sentir l’impact dans leur intégralité. J’ai la tête absorbée, concentrée sur une partie du corps à la fois.
Finalement, Veronika me renvoie sur le gazon artificiel. Je cours sans même essayer de penser à tout. Je suis plus détendu. Le stress de vouloir tout bien faire en même temps disparaît. Surprise ! Mon corps semble avoir mémorisé les séquences de mouvements nouvellement apprises. Je fais attention à la rotation et j’adopte pas à pas cette nouvelle posture. « J’ai trouvé super intéressant de te regarder, me dit ensuite Veronika. L’asymétrie que tu avais au niveau du bassin, de l’épaule et des mouvements des bras se réduit considérablement dès que tu suis la rotation de la cage thoracique et redresse le bassin. »
Bien sûr, au bout d’une heure, je suis à des kilomètres du bouleversement qu’a connu Veronika, de la course sans douleur, d’une sensation corporelle différente. Pourtant, j’ai eu moi aussi une révélation. Le corps est un puzzle complexe. Pendant des années, j’ai assemblé les pièces de manière incorrecte. À la surface, le tableau général était plus ou moins cohérent. Il fallait regarder dans le détail pour voir où se situaient les problèmes. Le coaching m’a aidé à comprendre les tenants et les aboutissants et à aborder les problèmes individuellement. Je ne sais pas si cette route me conduira là où je veux aller, mais je suis sur la bonne voie.
Écrivain amateur et père de deux enfants, j’aime être en mouvement et avancer en équilibre sur le chemin sinueux de la vie de famille. Je jongle avec plusieurs balles et il m’arrive parfois d’en faire tomber une. Il peut s’agir d’une balle, ou d’une remarque. Ou des deux.