
Construction de luges chez 3R : quand le bois prend de jolies courbes

Bois de frêne, vapeur d’eau et savoir-faire artisanal. Dans la vidéo ci-dessus, vous découvrirez comment ces trois ingrédients donnent naissance aux luges et aux Rodel de Sulgen (TG). Visite d’une entreprise riche d’une longue tradition.
De la vapeur chaude s’échappe du tuyau dans lequel le bois a été assoupli. Maintenant, il faut se dépêcher : on sort la pièce de bois, on la serre, on met deux ou trois coups de marteau en visant bien, on vérifie que tout est en place, on tire sur un levier et la machine s’enclenche et plie le bois lentement mais sûrement pour lui conférer sa nouvelle forme. Comme bien d’autres avant lui au cours des dernières décennies à Sulgen (TG), ce morceau de bois, qui appartenait il y a un an encore à un frêne de la région, a désormais les courbes idéales pour devenir un patin de luge. L’entreprise 3R AG poursuit une longue tradition. L’atelier situé Kirchstrasse 1 fabrique des luges depuis les années 30.


« Le générateur de vapeur est le même qu’autrefois », raconte Erwin Dreier, qui a repris les rênes de l’entreprise en 2002. Le maître menuisier et maître charron de formation et ses employés fabriquent notamment le grand classique de la marque : la luge de Davos originale. « Nous tenons à ce que nos luges soient identiques à celles que nos arrière-grands-parents achetaient autrefois », confie-t-il. Le bois provient des forêts des environs, les lattes ont été soigneusement rainurées et chaque détail a fait l’objet d’une grande attention. « Nous souhaitons véritablement préserver cette qualité. »

Un patrimoine culturel sur patins
Une luge de Davos originale fabriquée en Suisse : un objet unique pour de nombreux clients. Un produit qui suscite des émotions et ravive des souvenirs. Les premières descentes en luge sur de petites collines, le cœur battant la chamade. Les sauts douloureux sur des tremplins que l’on a faits soi-même. Les descentes avec ses enfants. Les petits-enfants qui poussent des cris de joie. Toutes les générations connaissent ce patrimoine culturel sur patins. Nous sommes néanmoins surpris que ce classique continue à représenter environ la moitié de la production de traîneaux 3R AG. Après tout, il s’agit d’un produit extrêmement durable. « Dans le cas des grands amateurs de glisse, les petits-enfants finiront peut-être par user le traîneau que leur grand-père utilisait lorsqu’il était enfant », explique M. Dreier.

Bien qu’ils aiment se replonger dans leurs souvenirs, les autres clients préfèrent opter pour une luge moderne et sportive dotée d’un confortable siège en tissu. Sur la piste, la luge de Davos paraît bien vieille à côté du « Flizzer » ou du « Swiss Racer ».
Entre tradition et innovation
Cependant, il ne s’agit pas seulement de suivre l’air du temps ; il faut le défier. Aucune entreprise ne peut se reposer uniquement sur la tradition. C’est pourquoi l’innovation vient compléter les techniques ancestrales. La tradition constitue néanmoins un avantage, en particulier lorsque, comme à Sulgen, il est possible d’observer le savoir-faire artisanal de ses propres yeux. « Lorsque je me promène dans l’atelier avec des clients, je vends souvent une luge avant même que nous arrivions au fond de l’atelier, là où se trouvent les produits finis », ajoute Erwin Dreier. « On discute alors uniquement du choix du modèle. »
Le doux parfum de l’essence de frêne flotte dans la menuiserie. Le plancher recouvert d’une fine couche de sciure grince dans une atmosphère chaleureuse. Des piles de bois courbé et de lattes droites attendent d’être, étape par étape, transformées en luges par les employés. Entouré par le ronronnement des scies et des perceuses, on ressent un profond respect pour le travail qui se cache dans ces produits.

Pas de carbone, pas de cuir de crocodile
« Nos luges sont des produits que l’on choisit consciencieusement », poursuit M. Dreier. Par ailleurs, de nombreuses personnes s’interrogent de plus en plus sur l’origine des produits. « Mais nous ne voulons pas fabriquer des produits exclusifs. Le carbone et le cuir de crocodile, ce n'est pas pour nous. » Le pragmatisme n’implique pas de rester fermé à la nouveauté. À Sulgen par exemple, on produit le « Folding Sled », un modèle pliable imaginé par deux jeunes designers londoniens. « Le marché des luges attire de nombreux créateurs », explique M. Dreier, qui reçoit sans cesse ce type de demandes.
Malgré la tradition, il doit rester tourné vers l’avenir. Dans son cas, cela implique d’élaborer des prévisions à long terme tout en restant flexible. Toutes les pièces sont en stock jusqu’à fin août. Elles ont été sciées, recourbées, séchées et préparées. En règle générale cependant, les luges sont seulement montées une fois vendues. Cela permet d’économiser de l’espace de stockage et de répondre aux demandes particulières, en ajoutant par exemple des inscriptions sur les luges ou en dotant les sièges de combinaisons de couleurs particulières. Les commandes se font rares lorsqu’il n’y a pas de neige. Mais, lorsque les collines se parent d’un manteau blanc, les clients veulent leurs luges le plus tôt possible. « Nous devons donc être capables de réagir en quelques heures », explique M. Dreier. « Si tout le monde donne son maximum, nous pouvons fabriquer 100 luges par jour. » Malgré les aléas, malgré le changement climatique et malgré les luges en plastique, cet entrepreneur en est convaincu : « Tant que les gens feront de la luge, il y aura des luges en bois. »



Écrivain amateur et père de deux enfants, j’aime être en mouvement et avancer en équilibre sur le chemin sinueux de la vie de famille. Je jongle avec plusieurs balles et il m’arrive parfois d’en faire tomber une. Il peut s’agir d’une balle, ou d’une remarque. Ou des deux.