
Critique
Shazam ! Fury Of The Gods : un autre film de super-héros ? Oh oui !
par Michelle Brändle
«Locke & Key» est un mélange de fantasy et d’horreur, tout du moins dans la célèbre série de comics. L’adaptation proposée par Netflix pêche par un début ennuyeux et un manque de sueurs froides, mais se rattrape avec une deuxième moitié pleine de suspense.
Avant toute chose : cet article ne contient aucun spoiler. Vous n’apprendrez donc rien de plus que ce que les bandes-annonces ont déjà révélé.
Vous connaissez les comics «Locke & Key»? Moi, non. Avant d’écrire cet article, je me suis tout de même renseigné sur la série d’origine, qui a reçu de nombreux prix. J’avais donc certaines attentes, mais je n’ai lu aucune de ces histoires. Si vous êtes donc là pour savoir si l’adaptation Netflix est vraiment à la hauteur, je ne peux vous donner qu’un avis partiel.
En revanche, je peux vous dire l’effet de cette série sur quelqu’un qui n’a jamais entendu parler de ces étranges histoires de clés magiques dans une maison hantée. Ces clés menacent le destin du monde. Peu importe ce que vous pensez savoir sur elles, vous vous apercevrez que vous ne savez rien en réalité.
Rendell Locke (Bill Heck) a été sauvagement assassiné. Sa femme et ses trois enfants essaient de prendre un nouveau départ. Keyhouse, la demeure ancestrale de la famille Locke, doit les aider à surmonter cette mort tragique. En effet, il est hors de question pour eux de rester là où a eu lieu la tragédie.
À leur arrivée à Keyhouse, Bode (Jackson Robert Scott), âgé de dix ans et le plus jeune de la fratrie, est le premier à entendre le murmure des clés qui sont toutes bien cachées dans la maison. Bien sûr, ce ne sont pas des clés normales, mais des clés possédant des pouvoirs magiques. L’une transforme son porteur en un fantôme invisible. L’autre peut ouvrir des portes qui mènent où on le désire. D’autres encore donnent des pouvoirs de possession, de transformation et de réparation.
Bode, sa sœur Kinsey (Emilia Jones) et son frère Tyler (Connor Jessup) sont toutefois forcés de constater que les clés ne sont pas le seul secret de Keyhouse. Bientôt, une créature maléfique (Laysla De Oliveira) pourchasse les enfants et cherche à s’emparer des clés.
Joe Hill, le fils de Stephen King, et le dessinateur Gabriel Rodriguez, les deux auteurs des comics «Locke & Key», sont loin d’être vieux. Le premier numéro est paru en 2008. Les tentatives d’adaptations pourtant nombreuses ont toutes échoué.
Fox s’est lancée en premier en 2011 en produisant un épisode pilote. Elle l’a présenté à la San Diego Comic Con, avant d’abandonner le projet. Universal Pictures s’y est aussi essayé – sans succès. Ce fut ensuite au tour d’Hulu, la plateforme de streaming de Disney pour les contenus qui ne collent pas à l’image familiale du groupe, de tourner un pilote. L’auteur Joe Hill tenait même le rôle de producteur et conseiller. Hulu finit tout de même par lâcher l’affaire.
Netflix entre alors en scène.
La plateforme de streaming californienne n’est pas partie de rien. Elle a repris le projet laissé en plan par Hulu avec Joe Hill et les deux showrunners, Carlton Cuse et Meredith Averilles. Si le résultat final, longtemps considéré comme impossible à adapter, plaît tant au final malgré une première partie poussive, le mérite en revient d’après moi à Cuse et Averilles. Comme je l’ai dit plus haut, je n’ai pas lu les comics. Cependant, je ne suis pas surpris que tant de personnes s’y soient cassé les dents.
En effet, «Locke & Key» aborde des associations de thèmes qui sont difficiles à représenter. Il y a cette histoire intemporelle de l’évolution vers l’âge adulte, du deuil et des traumatismes. Il est question de décisions irréversibles, de décisions motivées par la tristesse et la colère, la peur et le doute. On y trouve aussi un émerveillement enfantin et des lieux magiques qui donnent envie de partir à l’aventure. Cette naïveté et cette innocence sont forcément communicatives. «Locke & Key» parvient surtout dans la deuxième moitié de la saison à trouver un parfait équilibre pour que l’insouciance enfantine ne compromette pas la gravité émotionnelle de la série.
La première partie part justement dans tous les sens, sans vraiment savoir à quoi accorder la priorité. Sans compter un choix de casting discutable.
Les quatre ou cinq premiers épisodes – la saison en compte 10 de 50 minutes chacun – suivent le même schéma : oh, une nouvelle clé. À quoi sert-elle? À ça! Super, ce nouveau pouvoir! Attardons-nous maintenant sur l’intrigue secondaire autour du harcèlement scolaire. Fini.
Cela semble décousu et manque d’originalité.
Le problème ne se situe pas au niveau des clés. Elles sont intéressantes et la mise en scène de leurs pouvoirs est impressionnante, surtout pour la clé de tête. Ce qui manque surtout au début de «Lock & Key», c’est le suspense. La série n’explique jamais quels sont les enjeux et pourquoi on devrait s’impliquer dans cette histoire. Les clés sont juste là et puis c’est tout. La série n’essaie même pas de construire le suspense en se penchant sur la signification possible des clés et de Keyhouse. Lorsque l’action s’accélère, elle est tout de suite freinée par des histoires de cœur bébêtes qu’on a déjà vues mille fois dans d’autres séries qui ont d’ailleurs probablement fait mieux en la matière.
Et pour couronner le tout, Jackson Robert Scott dans le rôle de Bode Locke est une erreur de casting.
Très honnêtement, ce gamin me tape sur les nerfs. Non content d’être impertinent et ignorant, il enchaîne les bêtises. Par exemple lorsqu’il persiste à découvrir tout seul les pouvoirs d’une clé ou à s’opposer au méchant, alors qu’à chaque fois qu’il a voulu faire cavalier seul par le passé, il s’est retrouvé dans une situation très dangereuse. Ses aînés lui ont pourtant répété dix fois de ne pas agir seul. Mais non! Il n’écoute rien et se montre insolant, par-dessus le marché. Si sa fonction narrative est de nous permettre de vivre l’émerveillement de la découverte de la maison et des clés de son point de vue, c’est un échec retentissant.
D’ailleurs, où est passé le côté effrayant qui a fait la renommée des comics?
La série ne s’y attarde guère. Alors que l’imagerie des comics est parfois dérangeante et brutale comme dans «Ça», «Hellraiser» ou «Braindead», les personnages de la série s’en sortent avec quelques égratignures ici ou là. L’ambiance façon «The Haunting of Hill House» promise par les comics, la bande-annonce et le résumé est à peine perceptible dans la série. On est plus proche du style d’Harry Potter.
Mes attentes ont été déçues sur ce point.
Les premiers épisodes sont frileux, ennuyeux, voire énervants, mais les derniers sont nettement meilleurs.
S’il y a une chose réussie dans «Locke & Key», ce sont les moments calmes où l’émotion règne. Ils vous prennent aux tripes et ne semblent jamais artificiels. Emilia Jones et Connor Jessup, qui jouent les aînés de la fratrie, y sont pour beaucoup. Ile essaient tant bien que mal de mener une vie aussi normale que possible, même s’ils savent bien à quel point la mort de leur père les a bouleversés. À un moment, alors qu’ils souffrent particulièrement de son absence, ils prennent un selfie et lui envoient, telle une embrassade imaginaire à distance. Ils sont conscients qu’il n’est plus là pour la recevoir, mais ils sourient tout de même, car la photo lui aurait fait plaisir.
Les scénaristes parsèment la série de moments comme celui-ci. L’histoire prend ainsi une profondeur qui fait de «Locke & Key» bien plus qu’une série de fantasy sans prétention, dont la première partie aurait oublié d’être intéressante.
Le suspense arrive ensuite. On comprend peu à peu que la mort du père Rendell laisse de nombreux secrets et questions en suspens qui attendent, tapis dans l’ombre, de s’abattre sur les enfants. Les différentes intrigues qui semblent indépendantes les unes des autres finissent par se rejoindre. Les revirements de situation donnent une autre tournure aux événements passés. Les chamailleries d’ado sont reléguées à l’arrière-plan, de même que Bode qui est plus ou moins mis sur la touche. Il y est à sa place et ça nous fait des vacances.
La première saison s’achève ainsi après une montée en puissance que je n’osais plus espérer, tant le début manquait de rythme.
Au fond, «Locke & Key» appartient plus à la fantasy qu’à l’horreur. La bande-annonce et le peu que j’ai lu des comics m’avaient laissé espérer quelque chose d’un peu différent. Malgré une très belle mise en scène de la magie, la première moitié de la saison s’avère trop timorée, en manque d’inspiration et souvent tout simplement ennuyeuse.
Heureusement, la deuxième partie sauve la mise. Le suspens est là: les secrets sont révélés les uns après les autres et la logique de fond apparaît enfin. Si la série poursuit sur cette lancée avec une éventuelle deuxième saison, peut-être beaucoup plus effrayante que la première, je continuerai à regarder.
«Locke & Key» est disponible sur Netflix depuis le 7 février 2020.
Vivre des aventures et faire du sport dans la nature et me pousser jusqu’à ce que les battements du cœur deviennent mon rythme – voilà ma zone de confort. Je profite aussi des moments de calme avec un bon livre sur des intrigues dangereuses et des assassins de roi. Parfois, je m’exalte de musiques de film durant plusieurs minutes. Cela est certainement dû à ma passion pour le cinéma. Ce que j’ai toujours voulu dire: «Je s’appelle Groot.»