
En coulisse
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par Dominik Bärlocher
Miklagard est un utilisateur qui rêve depuis longtemps d’un téléphone avec petit écran sur le marché. Vaine chimère pensez-vous? Absolument, et je suis là pour vous l’expliquer.
Nos vidéos sont notre dada. Quand nous sommes en déplacement, il nous arrive, à Stephanie Tresch, la productrice vidéo, et à moi-même, de filmer nos âneries. Bien souvent, nos exploits ne donnent rien. Et nous les gardons pour la postérité. Mais aujourd’hui est un autre jour, nous allons nous y prendre différemment. Suite à une vidéo de notre cru, Miklagard, un utilisateur, a attiré mon attention sur les petits téléphones portables.
Dans la partie commentaires de l’article En direct live: présentation du G7 de LG par une équipe digitec, Miklagard donne son avis:
J'aimerais un téléphone qui soit vraiment utile – pas un appareil encombrant qui se casse pour un oui ou pour un non à cause d’une conception technique beaucoup trop chiadée –, doté d’un écran cinq pouces maximum, plutôt petit, avec des bords, prenant en charge Android one, avec une prise pour casque et recharge QI.
Miklagard n’est pas un cas isolé. Comme je lis chacun de ses commentaires à la fin de mes articles, je le connais un peu. Son dada? Les petits téléphones. C’est à la gare de Berlin Zoologischer Garten que je tente une explication.
Les smartphones de petite taille sont révolus. À l’exception de certains outsiders et excentriques, plus personne ne veut concevoir de smartphone avec écran de 5 pouces (12,7 cm). Cela ne plaira sans doute pas à Miklagard, qui fait malheureusement partie d’une minorité, laquelle, par définition, ne peut influencer le marché du smartphone à elle toute seule.
Et pour cause, si le marché des petits téléphones était plus important, les fabricants devraient alors régler un tout autre problème, et pas des moindres, les performances de la batterie. Déjà que nous sommes obligés de recharger le téléphone chaque soir, rituel oblige.
En retirant la coque arrière du smartphone, on s’aperçoit alors que les performances sont forcément proportionnelles à la taille de l’appareil. La batterie couvre pratiquement tout le recto de l’écran. La fabrication d’un smartphone plus petit donnerait donc lieu à deux scénarios:
Pour l’utilisateur final, rien de positif en perspective. Mais je suis convaincu que des ingénieurs et des esprits créatifs là dehors seraient prêts à prendre ce projet à bras le corps. En revanche, le marché les rappellerait vite à la réalité financière.
Les mini smartphones n’ont pas le vent en poupe. Miklagard, quelques-uns de nos collègues et moi-même n’arriverions pas tout seuls – en dépit d’un certain intérêt pour de si petits téléphones – à convaincre un fabricant, qu’il soit important ou pas, d’investir des sommes colossales dans la conception d’un tel smartphone.
Et quand bien même la Suisse entière, soit 8,4 millions d’habitants, décrétait que chacun devrait posséder un téléphone portable quatre pouces, elle se retrouverait alors seule contre tous. La raison? Huit millions de potentiels détenteurs ne suffiraient toujours pas à motiver le développement d’un nouveau smartphone. La Confédération helvétique n’est ni le marché cible ni le pays de référence pour le lancement d’un produit d’envergure internationale.
La manne financière des smartphones ne se trouve non pas en Europe, mais en Chine et en Inde; ce sont eux qui donnent le la, tout du moins en ce moment. Les États-Unis, certes un peu à la traîne par rapport à eux, pèsent aussi dans la balance. Le résultat? Certaines choses assez incroyables venues de Chine, telles que le filtre de beauté qu'il faut désactiver sur pratiquement tous les téléphones. Là-bas, les utilisateurs ne jurent plus que par l’embellissement à la sauce IA: visage émacié, pâle comme un cachet d’aspirine et yeux tout ronds. En Europe, ça ne passe pas.
Mais revenons à nos petits téléphones. Je vous invite à lire ce que l'utilisateur /u/S4G3R_BUG a écrit en 2017 sur Reddit, le site Web communautaire de partage de signets.
Les écrans 5,5 pouces sont la norme, les 6 pouces se vendent bien, même si certains comme moi préfèrent les 5 pouces. Tous les portables en dessous sont considérés comme «minuscules».
/u/matterwitu, Américain d’origine qui vit en Inde et travaille comme chef de produit pour le fabricant chinois de smartphones Xiaomi, y répond également dans la partie commentaires. Rien ne permet de corroborer ces affirmations, aussi véraces ou erronées soient-elles. Mais il existe d’autres explications encore.
Les grands téléphones ont la cote auprès de ceux qui ne possèdent pas d’ordinateur. Un smartphone qui sait tout faire se doit d’avoir un écran 5,5 pouces. En Inde, les tablettes remportent l’adhésion du public lorsqu’elles démontrent leur réelle utilité. Elles font par exemple office de téléphone principal. Presque toutes embarquent des emplacements pour carte SIM, permettant les appels et les transferts de données. Les cartes SD sont monnaie courante, les utilisateurs regardant volontiers la télé ou des films, d’autant que le volume de donnée est bon marché.
Face au 1,3 milliard, soit 1300 millions d’utilisateurs du Sous-Continent, la Suisse fait pâle figure. En Chine, c'est 1,4 milliard, c’est-à-dire 1400 millions. Si l’on additionne ces chiffres, on obtient 2,7 milliards, soit 36,9% des 7,3 milliards d’êtres humains sur Terre.
Aux États-Unis – autre pays où certains n’ont d’yeux que pour les petits écrans – vivent 325 millions d’habitants, soit 4,3 % de la population mondiale. Si l’on additionne ce chiffre au 0,1 % de la Suisse, on arrive à peine à 4,4% de la population mondiale.
Encore faut-il ici que ces nations s’intéressent à un tel appareil. Cette masse non représentative de notre communauté démontre que Miklagard est le seul chez nous à exprimer de vive voix son intérêt pour ce genre de téléphones.
Nous nous sommes aventurés dans les arcanes du développement et de la production d’un smartphone après avoir constaté que les petits téléphones n’intéressaient aucun acteur significatif du marché. Avant qu’un fabricant d’envergure – Samsung par exemple – ne développe un téléphone, la réflexion est de mise. La question qui est sur toutes les lèvres? Combien pouvons-nous en vendre?
C'est justement cette interrogation qui bloquerait le lancement de téléphones de petite taille. Un marché de créneau, c’est bien beau, mais encore faut-il qu’il soit rentable.
Si Samsung se décidait à produire ce genre d’appareil, il y aurait des répercussions sur les prix. Ils seraient extrêmement élevés, les coûts de développement et la marge bénéficiaire devant être absorbés par ce marché de créneau et Samsung n’étant certainement pas encline à éponger des pertes financières. À cela, il conviendrait de prendre en compte la marge des vendeurs qui ne vont certainement pas le commercialiser pour les beaux yeux du public cible. Lors de la conception d’un téléphone, les développeurs ne pourraient se baser sur les meilleures pratiques actuelles (Best practices), ces dernières ayant été mises en place pour la création de portables à grand écran. De ce fait, ils partiraient de zéro. Aussi bien les composants que la conception s’avéreraient plus onéreux; en effet, les normes industrielles sont régies par les grands téléphones. Conséquence? Des pièces hors de prix à l’achat – comparées à celles destinées aux grands téléphones – ou nécessitant une fabrication sur mesure bien plus chère que d’ordinaire. Et un créneau ne peut certainement pas absorber ces coûts, les prospects étant largement sous-représentés.
De ce fait, le lancement d’un mini portable vendu au prix d’un appareil phare d’une marque paraît insensé. De plus, il faudrait partir du principe que la moitié des prospects ne peuvent se le permettre. Miklagard est un peu le David face à Goliath.
Nous sommes désolés pour toi Miklagard, tes espoirs s’envolent.
Un gros téléphone sinon rien: que les utilisateurs comme Miklagard se rassurent, ils n’auront pas à faire ce choix. Une solution semble malgré tout sauter aux yeux. Ce sont les iPhones: les mises à jour logicielles sur Android cessent sur les téléphones plus anciens contrairement à celles sur iOS. Le 6s dispose d’une diagonale de 4,7 pouces. Toujours trop grand? Qu’à cela ne tienne, l’iPhone 5c prend en charge iOS 10.3.3 sans problème, limite maximale ceci dit.
Autrement, il y toujours les téléphones mobiles basiques, les fameux «dumbphones». Là où Nokia parie encore sur KaiOS en évinçant l'un des canaux de communication les plus importants de Suisse – WhatsApp –, le fabricant suisse Smilyphone se montre quant à lui plus judicieux dans ses choix. Ce Smilyphone fonctionne sur une version Android qui prend en charge l’appli WhatsApp.
Miklagard, merci de m’avoir inspiré pour ce texte, mais je ne vois vraiment pas ton problème.
Journaliste. Auteur. Hackers. Je suis un conteur d'histoires à la recherche de limites, de secrets et de tabous. Je documente le monde noir sur blanc. Non pas parce que je peux, mais parce que je ne peux pas m'en empêcher.