
Point de vue
À l'étranger, de nombreux papas ne mettent pas de casque pour faire du vélo
par Martin Rupf
Il y a 15 ans, je respectais exactement une règle de circulation lorsque je faisais du vélo : la priorité m'appartient ! Heureusement, j'ai vieilli. D'innombrables passants et automobilistes m'en remercient chaque jour.
Zurich, un après-midi de l'été 2005. Un feu pour piétons passe au vert. Des deux côtés de la rue, des gens se mettent en mouvement. Pendant ce temps, entre les files de voitures qui attendent, un cycliste s'approche. Il ne fait aucun effort pour freiner, mais vise l'espace de plus en plus étroit entre les passants.
Est-il daltonien ? Est-il fou ?
Non, c'est un homme de 31 ans. Son jeune cerveau ne fonctionne pas encore de manière optimale ; il commet régulièrement de graves erreurs d'appréciation. Par exemple : "Cette femme m'a souri, donc elle veut clairement coucher avec moi !" ou "Nous nous aimons, donc nous allons parfaitement ensemble !" ou encore "Le code de la route ne s'applique pas à moi car je suis trop rapide et trop agile !"
Pour couronner le tout, l'homme est coursier à vélo, il pense donc que les lampes colorées aux carrefours et les peintures sur le sol ne sont de toute façon que des décorations, et il est massivement sous l'emprise de drogues corporelles après un service de près de cinq heures. Il n'est plus un cycliste. Il est maintenant un puissant messager des dieux chevauchant un éclair.
Le soir de ce jour, de nombreuses personnes raconteront à leur famille, autour de la table de la salle à manger, avec stupéfaction, l'histoire de ce stupide connard qui a traversé en tonnerre le passage piéton juste devant eux.
Ce connard, c'était moi. J'étais l'un de ces cyclistes* qui ne respectent aucune règle et qui, en plus, ont l'air de bien s'en sortir. J'en ai aujourd'hui très honte et je demande ici sincèrement pardon à tous ceux que j'ai pu effrayer par mon comportement. Ils n'étaient pas peu nombreux, car j'ai voyagé ainsi pendant des années, surtout à l'époque où j'étais coursier à vélo.
Maintenant, je roule comme le recommande la mignonne campagne d'éducation routière : comme si ma grand-mère m'accompagnait. Je m'arrête quand un feu est rouge et quand des gens attendent devant un passage piéton. Ils ont du mal à le croire : un cycliste qui s'arrête pour des piétons ! S'ils continuent à s'arrêter, en me fixant avec anxiété, je sais ce qui va se passer ensuite : Un* cycliste* va passer à toute vitesse sur ma gauche et faire un bruit énervé à cause de ce stupide connard qui bloque le passage parce qu'il respecte ces stupides règles.
La raison de mon changement d'attitude est que les choses auxquelles je tenais en 2005 sont fondamentalement différentes de celles auxquelles je tiens aujourd'hui. A l'époque, je me préoccupais des sensations fortes sous toutes leurs formes ; aujourd'hui, je me préoccupe de mon bien-être, de celui de mon fils et de mon environnement. C'est pourquoi je roule toujours avec un casque, toujours avec les phares et toujours en respectant la loi. Parce que je veux que tout le monde et moi rentrions à la maison en bonne santé. Et raconter à table le gentil monsieur qui s'est arrêté spécialement pour eux.
Quand je regarde en arrière, je veux voir des visages amicaux. C'est probablement l'idée qui a jadis donné naissance au terme métaphorique de "considération" : garder un œil sur ce que l'on laisse derrière soi dans le monde.
PS : Chère cycliste, cher cycliste, si tu ne t'arrêtes pas avant un passage piéton, tu irriteras les passants qui y attendent et qui ont donc la priorité. En revanche, si vous vous arrêtez, ces personnes seront ravies du respect que vous leur témoignez. Vous avez donc une influence directe sur les sentiments des autres !
PPS : Seuls les piétons ont la priorité sur le passage piéton en question, c'est pourquoi il s'appelle ainsi. Si vous voulez y traverser à vélo et bénéficier de ce droit, vous devez descendre de vélo et pousser. Dans le cas contraire
vous n'avez pas la priorité - et donc aucune raison de vous en prendre aux automobilistes qui ne s'arrêtent pas pour vous
Né à Zurich en 1974, Thomas Meyer est écrivain. Il a travaillé comme rédacteur publicitaire jusqu'en 2012, date à laquelle son premier roman, « Le formidable envol de Motti Wolkenbruch », a été publié. Papa d'un garçon, il a toujours une bonne excuse pour acheter des Lego. Pour en savoir plus sur lui : www.thomasmeyer.ch.