En plein boom : les vélos cargos viennent renverser l'équilibre des forces
8/6/2021
Traduction: Sophie Boissonneau
Ils sont longs, larges et reflètent les idées de leurs conducteurs. Les vélos cargos peuvent rendre de nombreux trajets plus écologiques : livraisons, dépôt des enfants à l'école et courses par exemple. Or, ces ânes des temps modernes ne sont pas toujours bien vus ou bienvenus.
Dernièrement, je me suis rêvé au guidon d'un vélo cargo pour la première fois de ma vie. Alors que les sangles de mon sac de voyage beaucoup trop grand sur mon dos coupaient la circulation sanguine dans mes bras, mon trajet à vélo à travers la ville se faisait long et inconfortable. Mais je voulais absolument apporter mon four à pizza au pique-nique. Jusqu'à il y a un an, la remorque pour enfants, assez polyvalente pour les transports de taille moyenne en ville, était mon outil de choix. Depuis, je l'ai vendue et je croise des Bullitt, Babboe, Cargoo et autres Urban Arrow à tous les coins de rue.
On dirait presque de l'argot de rue ou du rap : « Hey toi, bouge de là avant qu'un Babboe ou un Bullit te ramasse ! » Bien sûr, ces nouvelles mules ne sont pas un attribut de gangster, mais plutôt un symbole de la conscience écologique de la classe moyenne supérieure. Deux-roues longs avec une surface de chargement basse, ou vélos cargos à trois roues ; ils se font de plus en plus nombreux dans les rues. Depuis qu'ils peuvent aussi être motorisés, ils ont fait leur apparition dans les régions montagneuses. En 2020, 1613 vélos électriques cargos ont été vendus en Suisse selon l'association professionnelle Velosuisse, et j'ai l'impression d'avoir rencontré chacun d'entre eux. Je pensais qu'il y en aurait plus. On peut cependant prévoir la croissance du marché.
En route pour la crèche
On ne peut être plus clair, les vélos cargo crient : « Vous voyez, on peut se passer des voitures », à condition toutefois de disposer d'un endroit où le garer. Même si la largeur maximale autorisée est limitée à un mètre, vous n'aurez pas envie de descendre un tel engin dans le traditionnel parc à vélo en sous-sol plusieurs fois par jour. Les vélos cargos sont aussi une prise de position claire et nette et ont rapidement déclenché un conflit culturel.
C'est un achat onéreux, la clientèle est donc à haut revenu et la « cargo bike mum », ou « bakfietsmoeder » aux Pays-Bas, est un symbole de la gentrification de nos villes. En voyant débouler la procession en route pour la crèche, on sent que les choses changent dans le quartier. D'aucuns pourraient soupçonner que cela tient plus de la tendance que du développement d'une conscience écologique. Si vous ne voulez plus vous déplacer en SUV en ville, vous pouvez toujours profiter des journées ensoleillées pour monter en selle et vous acheter une bonne conscience et le sentiment d'être un écolo avant-gardiste. Une chose est sûre : le vélo cargo fait bouger les choses. Et cela depuis longtemps déjà.
Source : Wikimedia Commons/KaiMartin/CC BY-SA 3.0)
Retour d'un classique
On ne vient pas d'inventer le vélo cargo, mais de le redécouvrir. En effet, il circulait déjà il y a cent ans, alors que des charges de 100 kilos devaient encore être déplacées à la force des muscles et sans transmission. Rien d'étonnant à ce que, peu à peu, tous ceux qui pouvaient se le permettre soient passés à la voiture ou à la camionnette. Les rues étaient vides, les perspectives roses. Aujourd'hui, les routes sont surchargées et la simple vue des pots d'échappement en amène beaucoup à envisager les choses sous un nouvel angle.
Il ne sert à rien de remettre tout cela à demain, comme le montre l'exemple de Copenhague. Là-bas, le changement a commencé dans les années 1980, et aujourd'hui, la ville est perçue comme un modèle. La volonté de changement était là et a conduit à la création de voies cyclables. Des voies sur lesquelles même les vélos les plus imposants avaient suffisamment d'espace pour circuler et s'imposer dans le paysage urbain. Aujourd'hui, les Christiania Bikes du couple de hippies, Annie Lerche et Lars Engstrøm, se sont imposés comme un classique des temps modernes.
Les enfants ne sont pas une charge
Je m'imagine assez bien le plaisir qu'on peut avoir à rouler tranquillement avec ses enfants à bord sur de larges voies réservées aux vélos et séparées du trafic automobile. Mais avec l'état de nos routes, j'ai des inquiétudes. Un tel tricycle attire sans aucun doute les regards et je comprends aussi l'intérêt de pouvoir garder un oeil sur les enfants devant soi. Après des années d'utilisation de la remorque en ville, je suis heureux que cette phase se soit terminée avec tout le monde en un seul morceau et je me réjouis de perdre l'habitude de regarder constamment par-dessus mon épaule. Mais les enfants ne sont pas n'importe quelle charge, et tout robuste qu'il ait l'air, un vélo cargo n'est pas nécessairement plus sûr qu'une remorque. Bien au contraire.
Une guirlande de fleurs sur la caisse en bois n'est d'aucune aide et tous les modèles ne peuvent pas être équipés de bons sièges pour enfants, d'une capote et d'une protection contre les tonneaux. Certaines ceintures semblent même être plus décoratives qu'utiles. Il ne m'est jamais venu à l'esprit d'utiliser un vélo cargo pour transporter des enfants, même si, en tant qu'homme, j'aurais profité d'une meilleure image que la carriériste « bakfietsmoeder » : d'après The Atlantic les hommes conduisant des vélos cargos sont, en effet, vus comme des pères cools et qui s'investissent dans leur rôle. Les remorques pour enfants ne vous donnent pas cette image. Je n'aurais cependant pas voulu échanger ma remorque, elle était bien trop polyvalente. Elle a rendu la poussette obsolète et complétait parfaitement mon vélo jusqu'à ce que les enfants puissent se déplacer seuls.
Mais alors que les remorques sont tantôt en vogue, tantôt remisées à la cave. Le vélo cargo semble, quant à lui, s'être imposé durablement. C'est plus qu'un moyen de transport pour déposer les enfants à la crèche, le vélo cargo représente la solution pour décongestionner les centres-villes. On peut désormais facilement éviter les petits tracas quotidiens comme les bouchons causés par des véhicules de livraison arrêtés à moitié sur le trottoir, feux de détresse allumés. Dans ce cas, le vélo cargo est même plus rapide. Nombreuses sont les grandes villes qui développent des hubs logistiques permettant de confier la distribution des marchandises à des vélos cargo pour les derniers kilomètres en ville. Cela profite à l'environnement, aux résidents et aux entreprises qui misent sur des véhicules appropriés. Ces dernières bénéficient en effet d'une image positive, le vélo la meilleure publicité.
Source : Wikimedia Commons/Flor!an/CC BY-SA 4.0
Un partenaire polyvalent
Cyclelogistics part du principe que plus de la moitié des déplacements dans les centres-villes peuvent être remplacés par des vélos cargos. Dans le cadre du bonus écologique, la France subventionnait déjà l'achat d'une voiture électrique et subventionne désormais également l'achat d'un vélo électrique avec le bonus vélo. Des projets tels que « Mir sattlä um ! » permettent aux petites entreprises de faire une expérience positive des ces nouveaux moyens de transport, tandis que les particuliers peuvent bénéficier des services de partage de vélos tels que carvelo2go. Partout, des incitations sont mises en oeuvre et le vélo cargo sait se renouveler et s'adapter au marché. Si les grandes versions font déjà penser à de petits camions et peuvent transporter plusieurs centaines de kilos, je pense à la solution complémentaire flexible de AddBike pour transporter les courses (et mon four à pizza).
Je n'ai pas encore pris ma décision, mais d'une manière ou d'une autre, je devrais trouver un moyen de transporter plus. Contrairement à la remorque pour enfants, le vélo cargo peut être utilisé toute une vie. Il est déjà très polyvalent et continuera à s'adapter à mesure que nos habitudes et nos villes changeront. En Allemagne, la police a même eu une idée pour susciter une colère maximale des automobilistes à l'égard des vélos cargos : les autorités d'Augsburg ont transformé un vélo cargo en radar mobile. Le radar a été placé en centre-ville pour y prendre sur le fait les contrevenants. Voilà qui nous fera des photos souvenirs d'une époque sur le déclin.
Michael Restin
Senior Editor
Michael.Restin@digitecgalaxus.chÉcrivain amateur et père de deux enfants, j’aime être en mouvement et avancer en équilibre sur le chemin sinueux de la vie de famille. Je jongle avec plusieurs balles et il m’arrive parfois d’en faire tomber une. Il peut s’agir d’une balle, ou d’une remarque. Ou des deux.
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