
En coulisse
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par Florian Bodoky
Pour notre compensation carbone, nous travaillons en collaboration avec South Pole, une entreprise proposant des projets visant la protection du climat. Dans cette entrevue, Roman Bolli – Sustainability Adviser, conseiller en développement durable – communique sur la sélection des projets, les sommes qui y sont injectées et les différences de South Pole par rapport à d'autres organisations.
Que fait exactement un conseiller en développement durable ?
Roman Bolli, conseiller en développement durable : j'aide diverses entreprises et institutions à apporter leur contribution à la protection du climat. Cela va du calcul d'une empreinte carbone à l'élaboration d'objectifs et de stratégies climatiques, en passant par la mise en œuvre et le suivi de mesures concrètes de protection du climat. Pour Digitec Galaxus, nous avons développé un modèle d'émission des produits de la boutique. L'objectif de la manœuvre ? Permettre aux clients de compenser les émissions carbone de leurs achats en investissant dans des projets de protection du climat de South Pole par l'acquisition des fameux certificats de CO2.
Où part le franc investi par le client Digitec Galaxus lors de sa commande ?
Le franc investi par le client est injecté dans des projets de protection du climat par le biais de certificats de CO2, servant à compenser les émissions de gaz à effet de serre générées par un tel achat. Dans cet exemple, un franc correspond à 50 kg de CO2 évités ou extraits de l'atmosphère dans un autre endroit du globe grâce à des mesures concrètes qui, sans de tels investissements, n'aboutiraient pas. Concrètement parlant, les clients ont par exemple la possibilité de financer un four moins gourmand en bois ou la protection d'une forêt.
Combien faut-il de temps à l'argent pour être injecté dans un projet ?
Le processus est tel qu'à South Pole, nous faisons annuler la quantité correspondante de certificats de CO2 après réception du paiement par Digitec Galaxus. Autrement dit, les certificats sont retirés du marché et ne peuvent plus être utilisés. Le bénéfice climatique – c'est-à-dire la prévention ou la réduction des gaz à effet de serre – n'est accordé qu'à un seul acheteur. Cette annulation déclenche le versement de la somme convenue dans le projet en question.
La majorité des projets de South Pole se situent en Afrique ou en Asie. Pourquoi pensez-vous qu'il est plus judicieux de compenser en Asie ou en Afrique que d'investir dans des projets locaux ?
Cet aspect est principalement lié à ce qu'on appelle le critère d'additionnalité. Un projet de protection du climat ne génère des certificats de CO2 que s'il est possible de prouver selon des normes reconnues qu'il dépend d'un financement externe par le biais de tels certificats. Sans ces derniers – garanties que ces projets ont une valeur ajoutée (supplémentaire) pour le climat –, les projets n'aboutiraient pas et tomberaient alors dans le « greenwashing ». Dans les pays en développement – c'est-à-dire les pays les moins avancés –, les projets dépendent beaucoup plus de financements qu'en Europe. Par ailleurs, les projets dans les pays les moins avancés contribuent au développement durable en général et créent une valeur ajoutée pour la population locale, par exemple par l'accès au travail, à l'eau potable ou à l'éducation. Autre critère ? La réduction des émissions dans les pays les moins avancés est beaucoup plus rentable, ce qui signifie plus d'effets positifs sur les écosystèmes et le climat que pour une même somme injectée ailleurs. En définitive, le climat ne se soucie pas de savoir où une réduction des émissions a lieu dans le monde. Cela étant, nous concevons toujours plus de projets en Suisse et en Europe, destinés ainsi à la préservation du climat sous nos latitudes également.
Quels sont les critères de sélection d'un nouveau projet ? Vous êtes-vous déjà rendu sur place ?
Pour développer de nouveaux projets, nous suivons un schéma clair. En premier lieu, toutes les parties impliquées dans le projet doivent se conformer à nos directives éthiques. Par ailleurs, un nouveau projet doit présenter des avantages environnementaux et sociaux démontrables et être d'une importance telle que l'investissement en vaille la peine pour la planète. On parle ici d'un minimum de 10 000 tonnes de CO2 environ pouvant être économisées chaque année grâce au projet. Le critère principal ? Qu'un nouveau projet arrive à passer la procédure d'audit stricte afin d'être certifié selon une norme de CO2 reconnue au niveau international. Pour cela, il faut être en mesure de prouver que le projet tel que décrit ci-dessus est additionnel, permanent et qu'il génère manifestement les avantages promis. Je n'ai moi-même pas encore eu la chance de visiter un projet sur place. Nos équipes de projet sont implantées au niveau régional afin d'éviter tout déplacement inutile. Mais si une occasion se présente en Suisse, elle serait alors tout en haut de ma liste.
La compensation carbone ne va-t-elle pas créer une fausse incitation pour les consommateurs ? Ne devrions-nous pas tous consommer moins ?
Connaissez-vous le slogan « Do your best, compensate the rest », faites de votre mieux, et pour le reste, compensez ? Il résume assez bien la situation je trouve. Pour atteindre les objectifs de l'accord de Paris sur le climat, nous devons réduire considérablement nos émissions, ce qui implique une diminution de la consommation dans notre société. Mais ce qui se retrouve dans le panier d'achats (numérique) relève de la responsabilité de l'acheteur lui-même. Ce que South Pole propose, c'est de prendre conscience de la question. Le fait que je commande aujourd'hui un ordinateur portable ou des meubles de jardin sur Digitec Galaxus émet du CO2 dans l'atmosphère, depuis l'extraction des matières premières jusqu'à la livraison à mon domicile. Nous attirons l'attention du consommateur sur ce fait. Toutefois, si l'achat reste nécessaire, il est judicieux d'investir en même temps dans la protection du climat. Grâce aux projets certifiés, il est aujourd'hui possible de faire des achats dits « climatiquement neutres ». En outre, certaines études montrent que le commerce électronique, dès que le fournisseur a une certaine importance, présente un avantage climatique par rapport aux formes traditionnelles d'achat. La raison ? Il y a moins de consommateurs qui prennent la voiture pour se rendre chez le détaillant et les marchandises sont acheminées vers les ménages en libérant moins de CO2 dans l'atmosphère.
Les fonds sont-ils utilisés de façon efficace ? De nombreuses entreprises font face à des coûts administratifs élevés. Et vous, comment vous y prenez-vous ?
En fonction du projet, environ 70 à 80 % de nos fonds alimentent directement les activités du projet, c'est-à-dire la plantation d'arbres, l'exploitation de centrales électriques ou la construction d'écoles. Le reste couvre, entre autres, les coûts de création et de certification du projet. Enfin, la petite partie restante est allouée, chez South Pole, à notre administration et à la mise en œuvre de nouveaux projets.
Qu'est-ce qui distingue South Pole d'autres organisations comme myclimate ?
South Pole se singularise par son réseau mondial. Nous sommes maintenant présents dans 19 pays et suivons de près nos projets de protection du climat. En Colombie et en Indonésie, nous avons par exemple établi des centres locaux à partir desquels nous travaillons constamment sur de nouveaux projets. En comparaison, de nombreux fournisseurs de compensation de CO2 ne sont pas des développeurs de projets, mais des intermédiaires qui achètent et vendent des certificats sur le marché. En outre, notre point fort réside dans notre capacité à répondre à la quasi-totalité des besoins des entreprises et des organisations dans le domaine de la protection du climat. Nous sommes à même de conseiller les entreprises non seulement sur les options de compensation, mais aussi sur les mesures de réduction efficaces. De surcroît, South Pole est probablement la seule entreprise à proposer une photo de pingouins pour la présentation de ses collaborateurs sur sa page Web, ce qui, je trouve, est plutôt cool.
South Pole est une société anonyme. Pouvez-vous expliquer pourquoi ? Est-ce courant dans votre secteur d'activité ?
Dans notre secteur, il existe différentes formes de sociétés. South Pole est une entreprise privée dite « profit for purpose », qui peut croître beaucoup plus rapidement, car les investissements que nous effectuons sont beaucoup plus flexibles. Notre structure nous permet donc d'amplifier l'impact positif sur notre climat. Depuis notre fondation en 2006, nous avons réduit plus de 170 millions de tonnes de CO2, soit environ quatre fois les émissions annuelles de la Suisse. South Pole est presque entièrement entre les mains des employés. Malgré la croissance des 14 dernières années, nous n'avons jamais perdu notre esprit de start-up.
La crise sanitaire du coronavirus aura-t-elle un impact sur votre travail à court et long terme ? Si oui, lesquels ?
Nous travaillons pour la plupart à domicile et réduisons au minimum les contacts directs avec les clients dans un souci de protection mutuelle. Comme nous sommes habitués à travailler à l'international pour des raisons d'économie des ressources, rien n'a vraiment changé. Les conférences téléphoniques quotidiennes avec des collègues à Djakarta, Londres ou New York sont de toute façon notre lot quotidien.
À court terme, certains de nos partenaires sont affectés par cette crise. Mais nous sommes impressionnés par la clarté avec laquelle les entreprises continuent de se prononcer en faveur de la protection du climat et de faire avancer les mesures qu'elles ont annoncées. Par ailleurs, nous constatons que c'est aussi le moment où de nombreuses entreprises examinent leur stratégie de durabilité. La crise sanitaire a affecté l'économie mondiale. Les organisations prévoyantes le savent, les conséquences du changement climatique à l'échelle planétaire seront désastreuses si les risques et les chances de changement climatique ne sont pas déjà signalés et évalués.
Le positif, dans toute cette situation, c'est que nous sommes capables, en tant que société, d'agir de manière décisive face à une crise. Nous devrons faire preuve de la même détermination face au changement climatique et soutiendrons tous ceux qui voudront faire quelque chose pour le climat.
Faire des expériences et découvrir de nouvelles choses font partie de mes passions. Tout ne fonctionne pas toujours comme prévu et il arrive quelquefois que quelque chose se casse. Sinon, je suis accro aux séries et je ne peux plus me passer de Netflix. En été, on me trouve le plus souvent dehors au soleil – au bord du lac ou à un festival de musique.