
En coulisse
Voyage au centre de la montagne
par Simon Balissat
Ils sont les gardiens du monde souterrain bernois. Les 30 hommes du service d'exploitation des canalisations de l'Office du génie civil de la ville de Berne s'occupent de 300 kilomètres d'égouts. Leur travail commence une fois que les citoyens de la ville fédérale ont fait leurs besoins.
La première bouffée d'air chaud et putride est difficile à inspirer. Le matin, alors que les Bernois débutent leur journée, prennent une douche, déjeunent, font mousser du lait pour leur cappuccino, l'air est étouffant sous terre. Un ouvrier vêtu d'une tenue noire en caoutchouc tend sa lance à haute pression de cinq mètres de long dans le puisard et fait tourbillonner les excréments. À côté de lui, une cascade gris-brun du bassin versant des communes du nord se déverse dans la station de traitement de Seftau. Des barreaux d'échelle fixés au mur en béton et allant jusqu'au plafond humide et brillant sont entourés de papier toilette encore des mètres au-dessus de sa tête. Une preuve silencieuse qui montre que ceci n'est encore rien. Bienvenue dans le monde souterrain. Il est raccordé à toutes les canalisations et ne se trouve qu'à une seule chasse d'eau de là.
Une bonne heure avant, Raphael Flückiger et Alain Fallegger sont assis dans la cantine de l'entreprise autour d'une tasse de café et parlent de leur empire souterrain. Flückiger dirige l'exploitation du réseau d'égouts avec 30 employés, tandis que Fallegger est son adjoint responsable de l'entretien. L'odeur du café fraîchement moulu est toujours dans l'air, la théorie coule de source et la pluie est un événement. Les « événements pluvieux », comme on dit ici, sont moins prévisibles que nos besoins quotidiens et font également partie des affaires. Le réseau d'égouts bernois est un système mixte. Les eaux de pluie et les eaux usées s'écoulent ensemble vers la station d'épuration, où jusqu'à 3000 litres par seconde peuvent être traités.
« De nos jours, l'Aar est presque considéré comme trop propre », ajoute Flückiger. « Avant la mise en service de la station d'épuration en 1967, on ne pouvait pas s'y baigner. » Les deux évaluent les avantages des systèmes séparatifs et mixtes. D'une part, la station d'épuration ne doit pas être inondée par de l'eau propre, mais nettoyer les eaux usées. C'est l'avantage du système séparatif. « D'autre part, les eaux usées des routes sont également toxiques », explique monsieur Fallegger. On peut également s'interroger sur ce qui est évacué dans les égouts lors du « first flush », la première pluie après une période de sécheresse. « Je préfère les excréments aux eaux de chaussées toxiques. »
Le néophyte apprend : tout n'est pas si simple. C'est un sale boulot qui nécessite beaucoup de savoir-faire et d'infrastructures ; une histoire de canalisations, de bassins de rétention et d'orages, de puits de chute, de systèmes de restriction et de régulation ; de l'expertise et de fèces ; d'un système de drainage urbain qui s'est développé depuis le Moyen Âge et qui peut s'expliquer par un jargon compliqué, ou par l'expérience.
La vie civile est mise au vestiaire. À partir de la prochaine porte, dans la « zone noire », il faut mettre l'équipement de travail et un briefing de sécurité est nécessaire. Toute personne entrant dans le réseau d'égouts doit être préparée et bien équipée : les vêtements réfléchissants, le casque, la lampe et les gants sont de mise, tout comme les cuissardes cloutées pour ne pas glisser.
Comme les puis sont profonds, le harnais est indispensable, tout comme un dispositif d'alerte au gaz, car de nombreux dangers sont invisibles. « Celui-ci mesure d'une part la teneur en oxygène dans l'air et, d'autre part, la teneur en gaz explosifs ainsi que le monoxyde de carbone et le sulfure d'hydrogène », explique Raphael Flückiger en montrant le petit appareil qui donne l'alerte en cas de concentrations critiques. Le monoxyde de carbone venant de gaz d'échappement pourrait s'infiltrer dans le canal. Ce dernier n'a pas besoin de brûler pour être toxique. L'essence serait également malsaine. Deux des nombreux dangers potentiels.
« Les gaz de fermentations sont, naturellement, fréquents », explique R. Flückiger. « L'appareil est un peu notre assurance-vie, il nous donne l'alerte quand nous nous trouvons dans une zone dangereuse. » En cas d'urgence, il reste encore l'« Oxyboks », un petit objet noir de la taille d'un étui à jumelles, qui se porte à la ceinture. « Il contient des granules qui enrichissent l'air expiré en oxygène pendant 25 minutes maximum. » Quand le danger se trouve dans l'air, l'Oxyboks sauve des vies. Il ne sert à rien à ceux qui se font surprendre par l'eau.
« Chaque matin, nous recevons un bulletin météo détaillé spécialement centré sur Berne. En outre, des messages d'alarme par SMS sont envoyés sur tous les téléphones portables lorsqu'une cellule de pluie se développe », explique R. Flückiger. « La surveillance des puits serait en mesure de recevoir ces SMS et d'avertir les collègues dans les puis à l'aide d'alarmes sonores en morse. » Personne n'entre seul ici.
Lors de nos exercices de sauvetage, les pompiers en ont déjà bavé.
Une fois que les poumons se sont habitués à l'air saturé et les oreilles, au grondement de l'eau, le petit bassin de rétention et d'orages de Seftau n'est pas un endroit trop désagréable. C'est la salle de conférence parfaite pour les nouveaux venus dans le système de canalisations, une construction en brique discrète, facilement accessible. La station, rénovée il y a quatre ans, est à la pointe de la technologie. Les bottes et le baudrier peuvent rester dans la voiture, un balcon offre une vue sur l'action. La partie inférieure du bassin, d'une profondeur de près de cinq mètres, n'est que très peu remplie en ce lundi matin. Tout en bas, une pompe travaille pour envoyer les eaux usées de l'autre côté de l'Aar. « Ce bassin est plus bas que le canal de collecte dans lequel l'eau est acheminée vers la station d'épuration », explique Raphael Flückiger.
Pour s'assurer que la pompe fonctionne efficacement et qu'aucun solide ne se dépose, l'homme à la lance fait tourbillonner l'eau restante. Les murs sont également nettoyés régulièrement. Plus haut, trois pompes attendent les fortes pluies qui peuvent amener le bassin à sa capacité limite. « Si trop d'eau venait à s'accumuler, nous serions forcés de décharger le réseau en déversant des eaux usées diluées dans l'Aar », ajoute monsieur Flückiger.
Le système compte 115 points de déchargement. Les volumes d'eau sont pompés, collectés et gérés. Parfois, cela coûte de l'énergie, comme ici dans le bassin d'eau de pluie profond. Au total, le bureau d'ingénierie civile, auquel appartient l'exploitation du réseau d'égouts, en exploite 24. À d'autres endroits, la force de l'eau doit être ralentie et l'énergie doit être dissipée. Cela se fait, par exemple, au moyen de puits à tourbillons qui font tourner l'eau vers le bas comme sur un énorme toboggan. L'ensemble du système est conçu pour être équilibré. « Ici, dans le bassin de rétention et d'orages, l'objectif est de retenir l'eau et de continuer à la faire avancer de manière contrôlée dès que la station d'épuration en aura à nouveau les capacités », explique R. Flückiger en réponse au grondement constant des eaux usées.
Bien sûr, en 2020, il n'y a pas seulement les eaux usées et les eaux de pluie qui circulent, mais aussi des flux de données qui fournissent des informations sur l'état des systèmes dans le réseau de canalisations. « 2500 points de données envoient des mises à jour toutes les 15 secondes », explique Alain Fallegger. Et si la performance d'une pompe n'est pas bonne, la raison peut être tout aussi banale que pénible.
Le fil dentaire et les lingettes humides qui ne se décomposent pas sont nos pires ennemis. Ils bouchent la pompe.
De retour dans l'air frais hivernal, le début de journée respire l'insouciance. La lumière du soleil matinal se reflète sur les toits environnants, l'Aar coule tranquillement et les eaux usées qui passent sous la rivière sont oubliées dès que la porte de la station de pompage se ferme. « Nous nous baignons ici en été », dit R. Flückiger avant de remonter dans la voiture et de se retrouver bientôt face à un petit problème.
« Il y a un très gros trou sous le parking ici », affirme l'ingénieur civil. Ce n'est pas le problème. Le trou est la structure de réduction et de régulation Wylerbad du canal de rétention de Wankdorf-Aare, qui est en cours de rénovation. Cette énorme structure s'enfonce à un kilomètre et demi sous le sol. Elle peut contenir jusqu'à 6000 mètres cubes d'eau. Six millions de litres. Cela fait plus de deux piscines olympiques. Et pourtant, ce n'est qu'une fraction des cent millions de litres qui circulent chaque jour dans les égouts. Une clôture pour sécuriser le site n'est pas une mauvaise idée. Le problème est qu'il lui manque la clé.
Pendant que son collègue Alain Fallegger va la chercher, il me raconte quelques anecdotes. De la recherche des lingettes non dégradables à l'aide d'hameçons et d'appâts, en passant par des bikinis dans le canal ou la tentative ratée d'envoyer son animal de compagnie vers son dernier voyage en le jetant dans les toilettes. On dirait bien que tout ce qui passe dans le trou est jeté dans les toilettes.
Il arrive aussi que des objets que leurs propriétaires veulent absolument récupérer tombent dans les égouts. L'opérateur du réseau d'égouts aide même gratuitement les personnes poisseuses qui ont fait tomber leurs clés ou leur téléphone portable dans les grilles d'égout. « Nous préférons cela aux gens qui essaient de récupérer leurs affaires tout seuls », déclare monsieur Flückiger. Ne pas avoir de clé est une chose très pénible. Mais maintenant, elle est là. Celle pour entrer sur le site. Avec quelques manipulations, Flückiger et Fallegger ouvrent d'abord la serrure, puis le souterrain. Là où il y avait un parking quelques instants auparavant se trouve maintenant un puits silencieux qui mène vers le néant.
Aucun murmure, aucun son ne remonte à la surface. Le canal a été fermé en décembre pour être rénové. « Actuellement, les eaux usées sont évacuées via l'ancien système supérieur. Cela n'est possible que de fin octobre à fin mars », explique Alain Fallegger, qui est le premier à se sécuriser avec un mousqueton et à descendre à la lueur des néons. « Quand les fortes précipitations arrivent, le réseau supérieur n'est pas suffisant. » La descente se fait par une longue échelle. Je descends de plus en plus bas pendant que mon pouls s'accélère et que chaque pas résonne.
Nous passons le bord de surverse, jusqu'où l'eau peut monter. Difficile à croire en voyant le puits aussi sec et propre. « Maintenant, nous avons tout nettoyé pour que le maître d'œuvre puisse travailler au propre », dit Fallegger. « En temps normal, il y a de la boue et des excréments qui se déposent ici. » Là où il ne reste qu'un petit filet d'eau aujourd'hui se trouvaient huit mètres cubes de sable, de gravier et de gravats qui ont dû être retirés du canal par le puits. Vide, le puits est un vrai trou noir ; les lampes du casque n'éclairent qu'à quelques mètres. Une chambre qui nous renvoie notre écho pendant que monsieur Fallegger ouvre la marche et explique : « Ici, vous pouvez marcher sous toute la ville, jusqu'à la patinoire de l'Allmend. »
L'obscurité s'épaissit à chaque pas, le grand puits éclairé devient une petite lumière au bout du tunnel. L'eau et tout ce qu'elle emporte avec elle a rongé la substance du bâtiment pendant des décennies. Ou s'y est fixé. « Ça c'est le biofilm », dit R. Fallegger en émiettant quelques particules séchées du plafond, qui tombent sur le sol comme de pauvres confettis. Le biofilm recouvre tout le tuyau. « Normalament, il est gluant », explique-t-il.
« À cause du courant d'air dans le canal sec, le biofilm devient comme du papier et doit être enlevé avant la rénovation. » Si cette substance venait à se retrouver dans le mortier, ce serait un problème. Un canal dure de 80 à 100 ans. Quitte à le rénover, autant bien le faire. Dans ce canal de rétention, le sol, qui s'est usé, est devenu rugueux. On peut y voir des graviers. « Il devrait être lisse », ajoute monsieur Fallegger. Sinon, la pente d'environ un pour cent est presque parfaite dans ce canal. Au printemps, il sera de nouveau prêt à transporter, stocker et diffuser de l'eau de manière contrôlée. Il débordera aussi quelques fois. D'abord à l'autre bout, un kilomètre et demi plus loin, où le bord de surverse est dix centimètres plus bas et où une grille retient les substances grossières. « Nous voulons retenir les matériaux flottants tels que les cotons-tiges, les préservatifs et le papier toilette », déclare A. Fallegger. « Si l'eau continue à se déverser dans le canal, l'écoulement d'urgence nous vient en aide. »
Dans ce cas, l'eau passe au-dessus du bord de surverse le plus haut et s'écoule dans l'Aar sans être filtrée. « Il est tout à fait possible que dans un an, nous ayons vingt cas où l'écoulement d'urgence soit utilisé », estime monsieur Fallegger. Tout dépend de la fréquence des orages. On ne peut que deviner à quel point sont diluées les eaux usées ici. Néanmoins, les pensées se fixent comme le biofilm au béton. Dévider les eaux usées dans l'Aar ? Une station d'épuration seulement depuis 1967 ? Les personnes initiées ne peuvent que sourire face à cet étonnement. Dans la capitale de l'UE, Bruxelles, les eaux usées se sont écoulées dans la Senne puis dans la mer du Nord sans aucun traitement jusqu'en 2007. Milan, une métropole de plusieurs millions d'habitants, n'a construit une station d'épuration qu'au cours de ce millénaire. D'innombrables grandes villes en sont encore bien loin.
Aucun système de drainage n'est parfait. Ils se développent au fil des siècles et doivent toujours fonctionner. Ici, à Berne et en dessous, l'argent est investi dans l'entretien et l'expansion. L'infrastructure vaut un bon milliard de francs, et environ dix millions de francs par an seraient consacrés à sa rénovation. Et quelque chose s'écoule. Un rugissement menaçant pénètre dans le tunnel sombre, réveillant des peurs primitives. Va-t-il y avoir une marée ? « Environ 800 mètres plus loin, quelqu'un travaille avec la lance », me rassure monsieur Fallegger. Il y a du travail de partout et 75 kilomètres de réseau sont accessibles à pied. Bien qu’« à pied » ne soit pas toujours la vérité. Là où travaille Stefan Botta, il faut s'agenouiller.
Sous la place Bubenberg, non loin de la gare, le luxe du canal désaffecté et nettoyé est vite oublié. « C'est le cloaque de l'Insel », dit Alain Fallegger. « L'hôpital Insel y est rattaché, tout comme la succursale digitec. » Nous entrons au sous-sol, passons devant la salle de yoga et traversons le studio d'arts martiaux. Il est temps de faire face à la réalité. Bottes, masque, « Oxyboks ». Maintenant, nous avons besoin de tout l'équipement. Dans le couloir latéral, entre des bancs empilés contre le mur, un accès ouvert. En dessous, l'eau sale passe au ralenti.
Des excréments, une pelure de mandarine, un préservatif. Il est difficile d'ignorer les détails, car se tenir debout ici est impossible. Une hauteur de plafond de 1,20 mètre fait automatiquement baisser le regard. Le climat d'enfer humide et chaud règne ici. L'odorat se rebelle, les parois proches sont étouffantes, mais offrent de quoi se tenir. Dans le cône de lumière de la lampe du casque, on avance en titubant tantôt dans, tantôt à côté de l'écoulement des eaux usées. Jusqu'à un mur de barrage temporaire en bois à travers lequel on fait passer un tuyau en plastique. Un petit canal dans le canal, à côté duquel Stefan Botta s'agenouille.
Il ne faut pas avoir peur du contact quand les murs sont vivants.
Le chef de groupe est sur le point de renouveler un raccord avec deux collègues. Un petit boulot du quotidien, fait en trois jours. « Ces derniers temps, nous avons plus de petits chantiers où nous faisons beaucoup de travail nous-mêmes », ajoute-t-il. D'autres tâches sont attribuées à des entreprises externes. 30 hommes pour exploiter 300 kilomètres d'égouts, sinon le calcul ne tient pas la route. Les canalisations sont considérées comme praticables jusqu'à un mètre de hauteur. De ce point de vue, on pourrait donc encore faire mieux. Monsieur Botta est détendu. Bétonner, plâtrer, s'asseoir dans la puanteur des eaux usées et ne jamais pouvoir se tenir debout correctement : c'est un travail que l'on doit d'abord pouvoir supporter.
« Ici, il y a des cafards, des souris, des rats », dit-il avec un sourire. S. Botta s'en étonne tout aussi peu que des rappels dégoûtants du monde extérieur. « Ici, on trouve tout ce qui n'a pas sa place dans une canalisation", ajoute-t-il. « Des trucs de femmes, des couverts et des jouets. » Monsieur Botta travaille « pour les égouts » depuis près de trois ans. Selon le travail, lui et ses collègues passent quatre ou cinq heures d'affilée accroupis ou penchés dans des sous-sols étouffants. Cela exige de l'organisation, de l'endurance et du travail d'équipe. « Nous sommes une bonne équipe et tout le monde pense aux autres », dit Botta. « C'est de la balle de travailler ici. » Une phrase remarquable dans ce lieu qui pourrait donner des cauchemars à d'autres personnes. Seuls les robots travaillent dans des endroits encore plus exigus que S. Botta.
Ce qui est soigneusement hissé dans la canalisation de la Bümplitzstrasse avec 600 mètres de câble rappelle un rover lunaire. Le monde étranger que doit explorer ce véhicule de 60 000 francs, avec sa caméra pivotante, ses puissants phares et ses petites roues noires, a été exploré pour la dernière fois par l'un de ses prédécesseurs il y a une bonne dizaine d'années. « Notre moyenne est d'environ 30 kilomètres par an », dit Michael Mitter, qui met l'assistant précieux en place avant de sortir un juron qui n'est pas dirigé contre le robot : « Tuyau de merde ! » « On aurait dû utiliser les autres roues, Théo. »
Aujourd'hui, son collègue, Theo Maibach, est assis dans la voiture et s'occupe de la commande du véhicule. Ils forment une équipe bien rodée et voyagent toujours ensemble. Ils documentent l'état du réseau d'égouts et notent chaque raccord, chaque fissure, chaque manchon. Les tuyaux en plastique comme celui-ci posent problème. « Ce n'est pas notre matériau préféré », avoue M. Mitter. « Ils sont glissants. C'est pourquoi nous avons des roues granulées. » À l'arrière de leur véhicule utilitaire, ils ont de nombreux accessoires.
Des aides directionnelles en forme d'œuf qui fournissent un soutien latéral dans des canaux ovales qui se rétrécissent vers le bas. Des poids supplémentaires pour une meilleure traction. Un autre module avec caméra qui peut être déplacé jusqu'à 30 mètres dans un raccord latéral par le robot principal. Des possibilités presque illimitées. Néanmoins, il y a toujours le risque que le robot se coince. « Si des fils s'enroulent autour des essieux, par exemple, vous ne pourrez jamais le ressortir », explique monsieur Mitter, qui travaille dans les canalisations depuis 17 ans et qui a fait un apprentissage de jardinier paysagiste. Dans son travail actuel, il voit tout au plus des racines pousser à travers les parois des canalisations. Ce dernier doit alors être remis à neuf.
Theo Maibach regarde cinq écrans et commande le robot via un joystick. Dans un tableau, il entre « port latéral, verrouillé » et oriente la caméra. « Nous prenons toujours des plans d'ensemble et détaillés », explique celui qui, avec Michael Mitter, doit évaluer dans quelle situation il peut manœuvrer l'appareil coûteux.
Leurs enregistrements vidéo, fournis avec des données et des coordonnées, sont précieux pour leurs collègues de la « Planification du drainage urbain », où les ingénieurs décident des mesures de rénovation, et pour des collègues comme Stefan Botta, qui peuvent se faire une idée de ce qui les attend dans le canal avant de partir en mission.
« Il y a un chocolat ici », dit Theo Maibach en souriant, et fait pivoter la caméra sur un obstacle brun. Mitter et Maibach pénètrent jusqu'aux capillaires du système de canalisations, d'où l'eau est censée s'écouler sans entrave jusque dans les veines plus profondes, les collecteurs. Un travail simple par rapport à ceux qui doivent descendre sous terre.
À proprement parler, cette porte est une fenêtre. Il n'y a rien en dessous. Une échelle menant au canal de stockage Länggasse-Aare est installée à côté de celui-ci, en décalé. Ici, les murs sont vivants, tout est recouvert de biofilm gluant et le débit d'eaux usées est énorme.
Des pas prudents dans la boue, une main sur la corde de sécurité, du papier toilette de partout. Pas le temps de se laisser dégoûter. « Ce n'est que de la matière, j'arrive à m'y faire », dit Martin Pauli, un vétéran qui fait son « baptême de canalisation » depuis des lustres. Glisser, plonger, se changer et continuer. Les risques du métier. Tout s'est bien passé. « Ici, le courant serait trop fort, tu serais emporté », prévient-il. Par conséquent : bien se tenir et marcher prudemment.
Son collègue Markus Neuenschwander ouvre un dernier sas. L'espace à moitié vide entre les deux me fait penser à un sous-marin qui coule. L'eau est à la hauteur des tibias jusqu'à ce que Neuenschwander libère les verrous de la lourde porte suivante, la pousse et s'installe qu'une aspiration s'installe. Des choses indéfinies se cognent aux bottes en caoutchouc lorsque les eaux usées se déversent dans la grande canalisation suivante. Chaque bout qui passe près des pieds est une preuve que tout est encore là. Les excréments, les vieux tampons, l'eau des douches, toute la saleté liquide que nous envoyons chaque jour dans les tuyaux. Rien de tout cela ne disparaît avec une pression de la chasse ou le gargouillement dans l'égout. Elle n'a disparu que de la surface et de la conscience du public, car plus rien ne pue comme au Moyen Âge. Des personnes invisibles dans les vêtements réfléchissants s'en assurent. Elles sont certes invisibles, mais indispensables.
Écrivain amateur et père de deux enfants, j’aime être en mouvement et avancer en équilibre sur le chemin sinueux de la vie de famille. Je jongle avec plusieurs balles et il m’arrive parfois d’en faire tomber une. Il peut s’agir d’une balle, ou d’une remarque. Ou des deux.