
En coulisse
Vous souvenez-vous de « Xenogears » ?
par Kevin Hofer
Over the Alps est un thriller d'espionnage qui se déroule dans la Suisse de 1939. Contre toute attente, ce jeu Apple Arcade aux allures de carte postale vintage n'a pas été développé sur place, mais en Angleterre. J'ai eu l'occasion de m'entretenir avec le développeur principal, qui n'a encore jamais posé le pied en Suisse.
« Avec ses chaînes de montagnes et ses lacs d'un bleu éclatant, la Suisse est un endroit magique, presque irréel. » Je ne tire pas cette citation de l'office du tourisme local, mais de Samuel Partridge. Le développeur installé à Londres s'est toujours intéressé à la Suisse et à la fascination britannique pour ce pays alpin. Avec le jeu exclusif Apple Arcade Over the Alps, le patron des Stave Studios a fait de son rêve une réalité.
Over the Alps était à l'origine prévu pour le lancement du service de jeu d'Apple, en novembre dernier. Le jeu commence en Suisse en 1939, l'année pendant laquelle Hitler a déclenché la Seconde Guerre mondiale. Une époque où chacun espionnait ses voisins. Et c'est toute l'intrigue d'Over the Alps. Dans le jeu, vous incarnez l'agent Smith, un espion britannique qui traverse la Suisse. Alors que nazis, espions ennemis et polices locales vous prennent en chasse, votre fuite vous amène à passer devant de nombreux lieux emblématiques tels que les châteaux de Bellinzona, des chutes du Rhin à Schaffhouse et l'église Grossmünster à Zurich. Le jeu est illustré par des cartes postales pittoresques, rendant hommage au style des brochures de voyage de l'époque.
On peut compter les jeux qui se déroulent en Suisse sur les doigts d'une main. Alors comment ce studio britannique en est-il venu à situer son intrigue dans notre pays ? « Avec un ami d'enfance, on a toujours voulu créer notre propre jeu de société. On a commencé avec les illustrations et la conception des mécaniques du jeu. Mais il s'est rapidement avéré que c'est sacrément compliqué de créer un jeu de société », se souvient Sam en riant pendant notre entretien sur Discord. Mais les nombreuses illustrations qu'ils avaient déjà créées leur ont donné l'idée d'en faire un jeu.
Chez Stave Studios, Sam est notamment accompagné de Jon Ingold et Katharine Neil. Tous trois disposent déjà d'une belle expérience avec des jeux tels que Sunless Sea, Astrologaster et 80 Days. Il apparaissait alors évident que leur premier jeu devrait avoir une histoire forte. « Nous étions tous d'accord, nous voulions créer quelque chose d'unique. Une œuvre d'art à laquelle vous pouvez jouer du début jusqu'à la fin sans connexion Internet. » Leur principale source d'inspiration a été 80 Days, un jeu d'aventure avec une grosse narration, dans lequel vous devez essayer de faire le tour du monde en 80 jours.
« Notre première idée était d'établir un parallèle entre la montée de l'extrême droite en 1939 et en 2019 », ajoute Sam. La Suisse était le cadre idéal pour cela. « Les affiches de voyage suisses de cette époque sont tout simplement époustouflantes. » Puis il y a aussi eu l'Orchestre Rouge, un terme utilisé par les nazis pour désigner les opposants au régime. « Tout le monde en était. Agents des services secrets, artistes, Britanniques. La Suisse est le lieu idéal pour ce genre de drame d'espionnage international. »
L'intrigue du jeu Over the Alps n'est basée que sur des événements réels. Ce sont les auteurs Jon Ingold (80 Days) et Josh Callaghan qui l'ont pensé de bout en bout. « Jon a écrit l'histoire principale. Dans l'esprit, on est très proche du drame hitchcockien. Bien sûr, le paysage y a largement contribué. Hitchcock adorait l'union de l'Europe classique. » Ajoutez à cela une pincée de James Bond et un peu de Sherlock Holmes. « J'aimerais dire que c'est une histoire que mon grand-père m'avait racontée, mais en vérité c'est une combinaison de différents facteurs qui s'accordent parfaitement », admet Sam.
Malgré sa fascination pour notre pays, Sam n'est jamais venu en Suisse. Son obsession pour notre pays amène cependant les gens à lui demander s'il ne serait pas Suisse. Lorsque Sam en a parlé à ses parents, sa mère – une Britannique très directe – lui a raconté une anecdote que Sam aurait préféré continuer d'ignorer. Elle lui a raconté qu'avec son père, ils avaient pour habitude de passer des vacances en Suisse. « Et puis elle m'a raconté que j'ai été conçu il y a 30 ans dans une tente au pied du Cervin. Mon Dieu ! J'aurais préféré ne pas le savoir. » En revanche, la mère de Sam est convaincue que son obsession pour la Suisse vient de là.
Le Cervin est cependant absent du jeu et n'apparaît que sur le logo. Sûrement à cause de l'anecdote traumatisante. Lorsqu'on lui demande comment l'équipe a choisi les lieux mis à l'honneur dans le jeu, Sam a une réponse intéressante : « J'adore cette question. J'ai une carte nationale de la Suisse datant de 1939. Elle est en tissu et très fragile. C'est un instantané de l'histoire. » Mais la carte ne nous a aidés que dans une certaine mesure. Nous avons également utilisé des moyens modernes pour des informations plus détaillées. « Grâce à Google Maps, nous avons constaté que le tunnel du Gothard s'est considérablement agrandi depuis la Seconde Guerre mondiale. » Les guides de voyage sont également d'une aide précieuse pour trouver des points d'intérêt. « J'en ai des tonnes alors que je n'ai jamais mis un pied dans ce satané pays », dit Sam le sourire aux lèvres.
« À l'origine, nous avions prévu de générer le monde. Nous pensions utiliser une carte de bruit pour générer une carte de la Suisse. Mais ça s'est avéré beaucoup moins intéressant qu'une véritable carte. Avec son histoire, sa culture, mais aussi sa géographie et sa géologie, la Suisse l'emporte largement sur n'importe quelle carte générée aléatoirement. » Cela ne signifie pas que l'on a strictement respecté l'original, parfois notre interprétation était plus adaptée au jeu que la réalité. Mais ça n'a pas été le cas pour la campagne au Tessin. « À l'origine, les dessins de Bellinzone prévoyaient un lac Mais finalement, nous avons conservé les trois châteaux, car c'était clairement le meilleur choix. »
Si vous avez joué à Over the Alps, vous aurez certainement remarqué que de nombreux lieux emblématiques manquent à l'appel. « De très nombreux endroits ne sont finalement pas représentés dans le jeu. J'ai un tableau avec tous les lieux et il y a encore beaucoup de champs libres. » Au moins aussi emblématique que le Cervin, l'affiche montre la sixième plus grande ville de Suisse. Notez que je ne pourrais être plus impartial à ce sujet. Winterthour n'est cependant pas dans le jeu. J'aimerais quand même savoir si ma ville d'adoption était parmi les finalistes : « Mieux que ça. Il y avait un personnage prénommé Winterthour. » Mais finalement, la ville et le personnage ont dû céder la place à Schaffhouse (aïe) et aux emblématiques chutes du Rhin. Petit spoiler : c'est là que se déroule la scène finale du jeu. Les développeurs ont donc dû laisser Winterthour sur le banc des remplaçants. « Je suis vraiment désolé. Pour compenser, j'ai construit beaucoup de voies vers Winterthur dans Les aventuriers du rail. »
Over the Alps est actuellement une exclusivité Apple Arcade. Le studio n'en avait pas conscience au début. « Nous voulions faire un jeu mobile premium. Mais nous nous sommes vite rendu compte que le marché premium est compliqué. » Beaucoup ont alors conseillé à Sam de s'orienter vers le free to play. Mais l'équipe des Stave Studios ne s’est pas laissée dissuader de son entreprise. Avec l'aide d'un ami ayant des relations, la patience a fini par payer. « Il m'a dit qu'il connaissait des gens avec qui je devrais parler. Je devais recevoir un appel dans la soirée, tout cela était très mystérieux. » Lors de ce fameux appel, Sam a alors reçu une offre imbattable d'Apple pour les Stave Studios.
La collaboration a été fantastique et Apple a soutenu le petit studio britannique à tous égards. Au début, Sam craignait que la politique du jeu ne devienne un point de friction. « Nous étions très inquiets que notre thriller d'espionnage inspiré d'Hitchcock ne soit pas à la mode. » L'inquiétude était cependant totalement infondée. Pour certains aspects du jeu, Apple était encore plus enthousiaste que l'équipe elle-même. Et même en Suisse, le jeu était bien reçu. « Je ne peux pas donner de chiffres, mais le nombre de joueurs suisses est incroyable. En termes de pourcentage, ils représentent la plus grande partie des joueurs. J'en suis très fier. »
Sam est d'ailleurs tout aussi satisfait d'Apple Arcade. « C'est un véritable triomphe. Je crois que le succès va durer, c'est un super service pour les abonnés. Chaque mois, il y a de nouveaux jeux ou de nouveaux contenus. » Sam n'exclut cependant pas de publier Over the Alps sur d'autres plateformes par la suite. Mais il m'est impossible de lui soutirer la moindre information concrète, y compris au sujet du prochain projet du studio. Il conclut en revanche notre entretien par une bonne blague. « Quel est le point fort de la Suisse ? Son drapeau est un gros plus. » Heureusement que Sam est devenu développeur...
En tant que fou de jeu et de gadgets, je suis dans mon élément chez digitec et Galaxus. Quand je ne suis pas comme Tim Taylor à bidouiller mon PC ou en train de parler de jeux dans mon Podcast http://www.onemorelevel.ch, j’aime bien me poser sur mon biclou et trouver quelques bons trails. Je comble mes besoins culturels avec une petite mousse et des conversations profondes lors des matchs souvent très frustrants du FC Winterthour.