
En coulisse
One Perfect Shot: pourquoi j'ai tout mis sens dessus dessous dans mon appart' pour prendre une photo
par Dominik Bärlocher
Sur un coup de tête, j’ai décidé de photographier de la fumée. Pour y arriver, j’ai dû remettre mon appartement sens dessus dessous et me renseigner sur l’éclairage en photographie.
Je ne sais plus exactement comment j’ai eu cette idée, mais elle ne m’a plus quittée: je veux photographier de la fumée. Ça ne devrait pas être si compliqué que ça, non?
Bon, je dois tout de même avouer que je ne suis pas un pro de la photo. Quelques semaines se sont déjà écoulées depuis mon premier article sur le sujet «One Perfect Shot», mais je ne peux toujours pas prétendre être plus qu’un simple «amateur ambitieux».
J’ai pris le temps d’étudier l’éclairage de plus près. Quelle lumière fait quoi et comment. Ensuite: comment puis-je m’en servir. J’ai photographié dans l’obscurité et à contre-jour, juste pour voir comment mon Sony a7s ii réagissait et ce que j’arrivais à obtenir. Certes, la photo obtenue m’intéressait, mais je voulais surtout voir de quoi était capable l’appareil photo sur le plan technologique. Je me suis rendu à des Tattoo Conventions, j’ai pu regarder comment travaillait le tatoueur João Otreze et j’ai pu prendre une photo à basse température.
J’étais à la Fantasy Basel et j’ai essayé de faire ressortir une personne de la foule en la photographiant. J’y suis plus ou moins arrivé en prenant la cosplayer Melo en photo. J’aurais bien aimé avoir un peu plus de lumière, pour bien l’éclairer et la faire encore plus sortir du lot, mais c’était tout simplement impossible ce samedi-là.
Je voulais m'attaquer à un projet où je pouvais contrôler la lumière. Je ne peux pas si facilement avoir accès à un éclairage de studio, c'est pourquoi j'ai dû me contenter de ce que j'ai dans mon appartement.
Je me mets donc à l’ouvrage. Je ne pense pas pouvoir obtenir un résultat convaincant sans la lampe que j’ai dans ma chambre, c’est pourquoi je réorganise mon appartement comme pour le premier projet photo de cette série. J’attends donc la tombée de la nuit, parce que si je veux contrôler la lumière, je dois réduire au maximum la lumière naturelle de la lune avec les stores. Ce n’est que vers 22 heures que je me lance.
Je ne fume pas, mais j’ai de l’encens que je peux brûler dans une figurine en forme de dragon. La fumée sort alors de la bouche de ce dernier et on a l’impression qu’il respire du feu. Je décide de le prendre comme modèle.
L’éclairer par l’arrière ne fonctionne pas du tout, parce que la lumière passe à travers la fumée. Je déplace donc la lampe. Je vois les meilleures chances à 45 degrés derrière la fumée. C’est de là que mon œil voit le plus de fumée lorsque je me mets à la hauteur de l’appareil photo.
Les premières photos ne me satisfont pas du tout. Je vois bien que je suis sur la bonne voie, mais je dois changer de tactique.
J’essaie donc plusieurs choses. On devrait bien pouvoir y arriver. Je pense à la fumée lorsque j'allume le deuxième cône d’encens de la soirée et que j’observe mon ami dragon fumer. Quand y a-t-il le plus de fumée? À quoi ressemblent les images de fumée que j’ai en tête? À un moment donné, je me rends compte qu’elles sont toutes dans l’obscurité. Parce que l'arrière-plan est toujours sombre ou noir. Comme la fumée est faite de fines bandes, il est difficile d'éditer l'arrière-plan dans Photoshop. Je le sais parce qu'une fois j'ai dû éditer un papier peint avec une femme portant une jupe à volants transparents, pour qu’on ait l’impression que le mur derrière elle est blanc. Je me suis attelé à de telles tâches de tous les coins du réseau lorsque je me suis autoformé à Photoshop.
Je me rends compte qu'il faut vraiment que je change l'arrière-plan. En d'autres termes, je dois créer un fond sombre. Mais comme tous mes murs sont blancs, je dois faire preuve d’imagination. Alors je prends la lampe de ma chambre à coucher, j'entre dans la pièce où se trouve normalement la lampe, j'allume la lumière et je sors un drap-housse noir de l'armoire. Ensuite, je réinstalle l'ensemble du système d'éclairage dans la salle à manger et fixe le drap au mur avec du ruban gaffa. Ça tient. Gaffa Tape is magic and should be worshipped.
J'espère pouvoir corriger les plis du tissu avec la profondeur de champ et si nécessaire avec Photoshop.
Mais avec cette configuration, je me rends vite compte que quelque chose ne va pas. Bien sûr, parce que je photographie ainsi à moitié contre la lumière. Lorsque vous prenez des photos contre la lumière, l'appareil photo nivelle la luminosité de l'arrière-plan et assombrit tout ce qui se trouve au premier plan en conséquence.
Un exemple: je photographie Horny, notre licorne de l'équipe de rédaction, contre la lumière et avec la lumière.
Si vous êtes dans la situation où vous devez travailler contre la lumière, alors vous devez contre-éclairer. C'est comme ça qu'ils appellent ça dans le jargon technique? Je ne sais pas, mais je vais continuer avec ce mot-là. Ça fonctionne ainsi: lorsque la caméra assombrit le premier plan, vous devez l'éclairer plus. C'est précisément pour cette raison que l'une des règles qu'on m'a enseignées à l'époque en photographie journalistique était: «quand on photographie quelqu'un, la personne doit regarder le soleil».
Il existe deux possibilités de contre-éclairer:
Je privilégie la méthode avec les lampes, surtout pour le projet de fumée. Parce que de cette façon, je pense que je peux mieux planifier l'image finale. Je n'ai pas de flash. L'a7s ii n'a pas de flash standard et, vers minuit, difficile de trouver un flash de studio.
Je cherche donc une lampe. Mais comme j'utilise ma seule lampe mobile pour éclairer la fumée du quatrième cône d'encens, il m'en faut une autre. Une bougie? C’est là que je pense à ma lampe de vélo.
Mon installation ressemble maintenant à ça:
Le problème: on voit l’horrible bord de la table. Dans l’ensemble, j’aime beaucoup ma table, mais elle n’a vraiment rien à faire sur cette photo. Je prends donc l’emballage d’un pack d’extension du jeu de cartes Cards Against Humanity et pose mon dragon dessus.
Je vais une fois de plus devoir faire appel à Photoshop, parce que l'inscription sur mon jeu de cartes pour mauvaises personnes brille trop dans l'image. Mince. Pourquoi ne pas utiliser le truc du drap d'avant? J'emballe la boîte dans un T-shirt. D'après Stephanie Tresch, productrice vidéo cynique, j'ai plus qu'assez de T-shirts noirs.
Je peux conclure que l'installation suivante fonctionne devant un mur noir ou foncé:
Chez moi, l'arrière-plan noir est un drap-housse, la lumière avant est une lampe de vélo. Si j'en avais eu l'occasion, j'aurais fait correspondre les deux sources de lumière et les aurais fait diffuser le même ton chaud.
Maintenant, le tour est presque joué: allumer le sixième cône d’encens, attendre qu’il y ait assez de fumée, appuyer sur le déclencheur et être fier du résultat.
Je décide de placer l'appareil photo un peu plus haut afin d'avoir plus de fumée sur la photo. Dans Photoshop, je pousse un peu les valeurs du noir pour rendre l'arrière-plan plus sombre et voilà!
Les données Exif délivrent les valeurs suivantes:
La photo n’est pas parfaite. S'il n'était pas 2 heures du matin, j'essaierais de photographier le dragon de façon encore plus nette. Si c'était le jour, j'irais acheter une lampe. Dans de tels cas, j'ai tendance à court-circuiter les achats. Mais plus je réfléchis et plus je me dis qu’il me faudrait une lampe circulaire chez moi.
Bon. Fini. Mon appartement a maintenant la même odeur qu’une boutique ésotérique, je ne regrette rien et même si je vais avoir du mal à me lever demain matin, je me suis quand même bien amusé.
Journaliste. Auteur. Hackers. Je suis un conteur d'histoires à la recherche de limites, de secrets et de tabous. Je documente le monde noir sur blanc. Non pas parce que je peux, mais parce que je ne peux pas m'en empêcher.