N'aurons-nous plus besoin d'avoir notre propre console pour des jeux comme «Cyberpunk 2077»?
En coulisse

Un abonnement plutôt qu’une console: le futur appartient-il au streaming?

On entend dire que Google veut lancer sa propre plateforme de jeu basée sur le streaming. Sony et Microsoft songeraient à faire de même. Le temps des consoles classiques est-il révolu ou l'idée est-elle encore trop abstraite?

Les rumeurs battent une fois de plus leur plein. Le responsable: Google. Ou plus précisément Jason Schreier, le célèbre rédacteur des nouvelles de Kotaku, le site Web spécialisé dans les jeux vidéo. Selon lui, Google prévoit de lancer sa propre plateforme de jeu. La particularité: les jeux sont streamés en continu sur Internet au lieu d'être chargés sur une console locale. Google n'est pas la seule entreprise (de jeu) à avoir eu cette idée.

Comment Google veut révolutionner l’industrie du jeu vidéo

La première fois que nous avons entendu parler du projet «Yeti» de Google, c'était en février, sur le site américain The Information. Beaucoup s'attendaient à en apprendre davantage sur le sujet lors de la conférence pour les développeurs Google I/O. Ça n'a malheureusement pas été le cas. C’est pour cette raison que le dernier article de Schreier a véritablement créé le buzz. Il y cite cinq sources selon lesquelles Google voudrait activement développer une nouvelle plateforme de jeu.

Il n'y a pas encore d'informations concrètes sur le hardware, mais la plateforme devrait fonctionner un peu comme Geforce Now. Cela signifie que vous jouez à des jeux sur les serveurs de Google et que l'appareil final n'a que besoin de lire une vidéo. Théoriquement, cela serait même possible dans un onglet du navigateur de votre smartphone. Au lieu d'acheter une nouvelle console, il vous suffirait de souscrire un abonnement (ou de choisir la version avec publicité?). On dit aussi que YouTube doit être implémenté: si vous êtes coincé quelque part dans un jeu, vous pourriez, en un seul clic, changer de fenêtre et regarder la solution sur Youtube.

Le Nexus Player était le premier appareil Android TV de Google. Grâce à lui, il était possible de jouer à des jeux Android sur le téléviseur.
Le Nexus Player était le premier appareil Android TV de Google. Grâce à lui, il était possible de jouer à des jeux Android sur le téléviseur.

Selon Schreier, Google ne veut pas faire les choses à moitié avec Yeti. L'entreprise veut employer ses propres développeurs de jeux. Que ce soit en recrutant ou en reprenant des studios entiers. Lors de la Game Developer Conference (GDC) et de l'E3, le géant de la recherche a rencontré plusieurs grandes sociétés de jeux vidéo. Les ambitions de Google dans le secteur des jeux vidéo étaient déjà évidentes en 2014 lorsqu'il était question d'acquérir Twitch. Mais comme tout le monde le sait, c’est Amazon qui a remporté la partie grâce à une belle somme d'argent.

Google s’est également forgé une expérience précieuse dans le monde du jeu vidéo avec «Pokémon Go» et, avant cela, avec «Ingress». Niantic, le studio responsable, a commencé en tant que start-up interne avant de se séparer de Google en 2015. En embauchant Phil Harrison en janvier, ancien cadre supérieur chez Playstation et Xbox et l'un des vétérans de l'industrie, Google a également clairement fait part de ses intentions.

Google n’est pas seul

Le chef de la Xbox, Phil Spencer, voit la frontière entre les consoles disparaître.
Le chef de la Xbox, Phil Spencer, voit la frontière entre les consoles disparaître.

Si Google a réellement décidé de révolutionner l'industrie du jeu vidéo, cela risque de faire des vagues. Cependant, les leaders du marché ne se reposent pas sur leurs lauriers. Yves Guillemot, PDG d'Ubisoft, a déclaré au magazine américain Variety qu'il voyait encore une génération de consoles classiques avant qu'elle ne soit remplacée par le streaming. Phil Spencer, le chef de la Xbox, est lui aussi convaincu que l'avenir réside dans le streaming et que les frontières entre les consoles disparaîtront. «L’essentiel, ce n’est pas d'avoir le bon appareil pour un jeu particulier, mais que votre jeu préféré soit compatible avec chacun de vos appareils», a-t-il confié au magazine.

On ne sait pas encore grand-chose sur les intentions de Sony, mais, par rapport à la concurrence, les Japonais disposent déjà d'un service de streaming de jeux. Ce dernier s'appelle Playstation Now et propose plus de 650 jeux allant de l'ère de la PS2 à celle de la PS4. On peut non seulement y jouer sans installation sur la PS4, mais aussi sur PC. La société a notamment ce savoir-faire grâce à la reprise d'Onlive; l'une des premières entreprises à avoir tenté le streaming de jeux vidéo.

Playstation Now – le service de streaming Sony.
Playstation Now – le service de streaming Sony.

En combinant cette situation de départ avec le supposé hardware de la PS5, Sony pourrait devenir un pionnier dans la course au streaming. La prochaine Playstation utilisera un processeur graphique AMD du nom de Navi. Navi est basé sur le processus de production 7nm. Selon PCGamesN, ce processeur graphique est dans le segment moyen et donc plus faible que le Radeon Vega ou la série 10 de Nvidia. Cela signifie que la PS5, qui n'est pas attendue avant 2020, ne serait pas plus rapide qu'un PC actuel. Cependant, si la console est principalement destinée au streaming et doit juste calculer les jeux elle-même, ce hardware serait bien sûr largement suffisant.

Amazon, qui s'est offert Twitch pour 980 millions de dollars, n'est pas mal placé du tout en ce qui concerne le streaming. Amazon Web Services est l'un des plus grands fournisseurs de Cloud Computing. Dropbox, Netflix ou Reddit font partie de ses clients. Avec Double Helix, qui fait maintenant aussi partie d'Amazon Game Studios, la société de vente par correspondance en ligne a aussi déjà un bon développeur de jeux sous la main. Si l'entreprise décidait d'entrer dans le streaming de jeux, avec le FireTV, il aurait même déjà le hardware approprié en circulation.

Avec Twitch, Amazon a déjà un pied dans l’industrie du jeu et du streaming.
Avec Twitch, Amazon a déjà un pied dans l’industrie du jeu et du streaming.

Le succès du streaming de jeux exige que nous ne dépendions plus des médias physiques. Avec EA Play ou Xbox Pass, des services de type Netflix sont déjà disponibles pour les jeux. Les achats numériques font déjà partie du quotidien des joueurs PC depuis belle lurette et les achats sur les consoles prennent également plus d’ampleur chaque année.

Quatre problèmes majeurs

L'industrie semble être d'accord sur la direction qu'elle prend. Au lieu d'acheter des PC et consoles toujours plus puissants toutes les quelques années, nous externalisons la puissance de calcul et streamons les jeux directement sur notre appareil final. En théorie, tout cela paraît génial. En réalité, il y a encore du pain sur la planche. Avec Geforce Now, Playstation Now, ou le service français Shadow, que Kevin Hofer, mon collègue de travail, est en train de tester, vous pouvez d’ores et déjà essayer le principe. Si vous ne voulez pas jouer en qualité Super Nintendo, vous avez besoin d'une connexion Internet rapide.

Pour Geforce Now, Nvidia recommande au moins 50 Mbit/s si vous voulez jouer en Full HD et avec 60 fps. Mais nous sommes loin derrière la qualité de la PS4 Pro, de la Xbox One X ou d'un PC puissant qui peut atteindre des résolutions plus élevées et/ou plus de fps. Pour 4K/60fps, vous auriez besoin d'une ligne à 200 Mbit/s. En Suisse, la vitesse Internet moyenne est de seulement 38 Mbit/s. Même si l'on suppose que les joueurs ont tendance à accorder plus d'importance aux lignes rapides, la plupart d’entre elles ne répondent actuellement pas aux exigences. Cela pourrait être totalement différent dans quelques années lorsque la PS5 ou la console Google sortiront. Par rapport aux autres pays, la Suisse dispose de l'une des connexions Internet les plus rapides. Nous ne sommes donc pas les moins bien placés.

Avec Geforce Now, Nvidia rend déjà maintenant le streaming de jeux possible.
Avec Geforce Now, Nvidia rend déjà maintenant le streaming de jeux possible.

Venons-en au deuxième problème: la disponibilité. Tous les joueurs du monde ne disposent pas d'une connexion Internet. Quand Microsoft a annoncé à la présentation de la Xbox One qu'elle était toujours en ligne, cela a provoqué un tollé général. Et pas seulement des pays émergents ou des pays du tiers monde qui seraient particulièrement touchés. Dans de nombreuses régions des États-Unis, l'Internet haut débit est loin d'être la norme. À cela s’ajoute le fait qu’il y a des centaines de milliers de soldats qui n’ont pas droit à la dernière ligne de fibre optique dans leurs bases militaires. Nous n'avons même pas besoin de chercher aussi loin. Selon l’Office fédéral de la statistique, presque une personne sur deux en Suisse ne dispose pas d'un raccordement à large bande. Malheureusement, les statistiques ne tiennent pas compte des ménages, c'est pourquoi elles ne sont pas à prendre à la lettre.

Le troisième problème est l'énorme quantité de données. Comme les jeux ne sont plus installés pour le streaming, ils consomment des données en continu. Si l’on se base sur les 50 Mbit/s recommandés par Nvidia pour la Full HD avec 60 fps, 22,5 Go de données par heure de jeu passeraient à travers la ligne, ce qui représente rapidement plus de 100 Go par semaine. Alors qu'en Suisse, nous ne connaissons que les limites de données pour les téléphones portables, dans de nombreux pays, comme les États-Unis, une limite de téléchargement est souvent fixée. Si nous augmentons le tout pour obtenir des résolutions plus élevées, cela devient encore plus dramatique.

Le quatrième problème: les centres de données. Google et Amazon ont ici les meilleures conditions préalables. Pour streamer des jeux à des millions de joueurs du monde entier sans retard, vous avez besoin d'un tas de serveurs aussi proches que possible du lieu d’utilisation. Plus vous habitez loin, plus le retard est long. Nvidia possède six centres de données dans le monde entier pour Geforce Now. Par exemple, si les 80 millions d'utilisateurs de la PS4 d’aujourd'hui devaient jouer sans console coûteuse, l'infrastructure devrait croître de manière significative. Les gamers PC, qui jouent avec une souris et un clavier, ressentent aussi immédiatement de petits retards, qui résultent d'une distance élevée ou d'une surcharge sur la ligne.

Une musique d’avenir

Nvidia a admis que le streaming du jeu en est encore à ses débuts.
Nvidia a admis que le streaming du jeu en est encore à ses débuts.

Si Google ou quelqu'un d'autre envisage sérieusement d'utiliser une console ou une plateforme de jeu basée sur le streaming, ils seront confrontés à une tâche difficile. Du moins si l’on suppose que ce sont de vrais jeux de console et de PC qui doivent être streamés et non les jeux mobiles. Avec l'infrastructure actuelle, tant du côté des fabricants que du côté des consommateurs, les conditions ne sont que partiellement remplies.

Le succès d'une pure console ou plateforme de jeu en streaming nécessite une connexion Internet rapide, des volumes de données illimités et d'énormes fermes de serveurs capables de gérer le trafic. Pas étonnant que même Jen-Hsung Huang, PDG de Nvidia, ait appuyé sur la pédale de frein. Il y a un an, à l'occasion de l'annonce des chiffres trimestriels, il a dit que Geforce Now était encore loin d'une version finale. Avec l'expérience que j’ai, je peux dire que même le streaming que vous utilisez chez vous est loin d'être aussi fluide qu'il pourrait l'être – et c'est là qu'un réseau Gigabit entre en jeu.

Reste aussi la question de l'acceptation des joueurs. Comment s’échanger les jeux? La PS5 et la Xbox Two ne seront probablement plus que deux consoles classiques. Une forme hybride serait concevable, après tout, la PS4 le fait déjà. Et comme Google est connu pour abandonner certains de ses projets, il ne faut pas trop espérer non plus.

Sondage

La prochaine génération de consoles misera-t-elle sur le streaming?

  • Oui, complètement
    6%
  • Oui, mais ce sera une solution mixte
    41%
  • Non, une génération classique suivra
    34%
  • Aucune idée
    2%
  • Non, le streaming du jeu ne va pas aboutir
    17%

Le concours est terminé.

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En tant que fou de jeu et de gadgets, je suis dans mon élément chez digitec et Galaxus. Quand je ne suis pas comme Tim Taylor à bidouiller mon PC ou en train de parler de jeux dans mon Podcast http://www.onemorelevel.ch, j’aime bien me poser sur mon biclou et trouver quelques bons trails. Je comble mes besoins culturels avec une petite mousse et des conversations profondes lors des matchs souvent très frustrants du FC Winterthour. 


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