
Test de produit
Apple Arcade : à en faire baver les utilisateurs Android
par Philipp Rüegg
Apple TV+ est lancé. Apple a déjà investi pas moins de six milliards de dollars dans ce nouveau service de streaming pour produire ses propres contenus originaux. Ce qui ressemble à un anéantissement financier semble marcher – mais ce n'est pas ce que vous imaginez.
Apple a dépensé six milliards de dollars pour produire ses propres contenus, publiés sous le nom d'Apple Originals. C'est tout autant que le plan de sauvetage orchestré par le gouvernement fédéral pour sauver UBS de la faillite en 2008. Huit séries et un documentaire sont à ce jour disponibles sur le service de streaming. Et quatre nouvelles séries devraient « bientôt » être ajoutées. À titre comparatif, Netflix a dépensé environ 13 milliards de dollars pour ses contenus originaux en 2018. Au total, la firme a produit 23 films et plus de 300 séries.
Alors, comment le coup marketing à six milliards de dollars d'Apple, prenant l'apparence d'un service de streaming, peut-il fonctionner ? D'autant plus que les nouveaux clients d'Apple bénéficient gratuitement du service pendant un an, comme l'a déclaré notre lecteur Marco_CH suite à mon premier article après la sortie d'Apple TV+ :
J'ai acheté un nouvel iPhone pour profiter du service de streaming d'Apple gratuitement pendant 1 an. J'ai joué un joli tour à Apple, mais je ne paierai pas pour un contenu si maigre :D
Faisons le calcul.
Les chefs de programme d'Apple – Jamie Erlicht et Zack Van Amburg – auraient dépassé le budget initialement approuvé de cinq milliards dollars. Un article de Bloomberg, semble le confirmer en déclarant que les deux premières saisons de The Morning Show ont coûté 300 millions de dollars. Sachant que chaque saison fait huit épisodes, cela fait un peu plus de 18 millions de dollars par épisode.
À titre comparatif, les épisodes de la huitième saison de Game of Thrones ont coûté en moyenne 15 millions de dollars.
Pour que cela soit rentable, la seule stratégie envisageable pour Apple doit ressembler à ça : attirer une clientèle aussi nombreuse que possible dès le lancement afin d'engranger des revenus plus tard en augmentant les tarifs. Rien de neuf dans le secteur. Netflix a déjà montré le chemin. Et contrairement à Netflix, Apple a un autre tour dans son sac : les ventes supplémentaires.
Les ventes supplémentaires sont, dans le cas d'Apple, les revenus générés par la vente et la location de l'offre à la demande. Apple TV+ n'est qu'une extension d'Apple TV – l'offre à la demande, pas la box, qui porte le même nom.
Autrement dit, chaque abonné Apple TV+ est également un client potentiel d'Apple TV – et vice versa.
La question est donc de savoir d'où cette clientèle peut provenir. Selon CNBC, les analystes s'attendent à ce qu'Apple vende environ 70 millions d'iPhones. C'est sans compter les millions d'autres produits Apple tels que les Macs, iPads et Apple TV. Tous ces acheteurs bénéficient d'une première année Apple TV+ gratuite.
Et voilà : c'est comme ça qu'on se construit une bonne clientèle.
Bien sûr, il n'est pas réaliste de penser que tous les acheteurs d'iPhone seront convaincus et garderont le service à la fin de l'année d'essai.
Mais l'entreprise a un an pour convaincre le plus grand nombre possible de clients de conserver Apple TV+ à la fin de la période d'essai, avec des contenus de qualité et sans cesse renouvelés. Je suis prêt à parier que dans à peu près un an, toutes les séries auront leur cliffhanger de fin de saison ? Le prix de abonnement très bas à cinq dollars par mois – 6 francs en Suisse – aide aussi. Mettre l'accent sur la qualité plutôt que sur la quantité peut également s'avérer être une stratégie intelligente.
Apple est encore bien loin de ce scénario rêvé, l'offre est trop petite pour être prise au sérieux. Notamment parce que des séries incontournables comme Stranger Things ou The Boys – pour ne citer que quelques exemples de Netflix et Amazon Prime – font toujours défaut. Cependant, la voie choisie par Apple avec un peu moins de séries, mais de bonnes productions comme See et surtout, For All Mankind est très prometteuse.
Une fois la clientèle d'Apple sécurisée, le prix des abonnements augmentera. Même si le prix actuel de 5 dollars par mois est déjà rentable pour Apple. En supposant que les 70 millions de clients iPhone prévus conservent leurs abonnements, cela représenterait un revenu annuel de 4,2 milliards de dollars – sans compter les millions de clients qui achètent d'autres appareils Apple.
Mais tout cela n'est qu'une simulation. Apple ne s'est certainement pas contenté d'imaginer un seul scénario, mais des douzaines avant de conclure que le risque en valait la peine.
À titre comparatif, Fin 2018, Netflix comptait 139 millions d'abonnés – chiffre qui devrait même avoir dépassé les 150 millions à ce jour. En juin 2019, Amazon Prime comptait au total 105 millions d'abonnés . Disney+ n'est pas encore disponible dans le monde entier, mais a déjà attiré 10 millions d'abonnés pour son lancement. Cela correspond à un chiffre d'affaires annuel de 838,8 millions de dollars ; 69,9 millions de dollars par mois.
Il n'est donc pas impossible qu'Apple s'assure une base d'abonnés de plusieurs millions d'abonnés grâce à des prix d'abonnement bas et des séries produites avec soin au cours des années à venir.
Plus haut, j'ai calculé un chiffre d'affaires potentiel de 4,2 milliards de dollars, sans augmentation de prix. On sait que le budget pour les premiers documentaires et une ou deux saisons par série s'élevait à 6 milliards de dollars. La différence pourrait être partiellement couverte par les revenus provenant des frais d'achat et de location pour les contenus à la demande sur Apple TV. Puis le reste avec les ventes d'appareils Apple boostées par l'offre Apple TV+ et d'autres services.
Voilà l'astuce : l'augmentation des ventes d'appareils Apple.
Le gros avantage d'Apple est en effet son fonctionnement totalement différent de celui de Netflix. Apple, est toujours la société qui vend en premier lieu des iPhones. En outre, les ventes de Macs et d'iPads sont en croissance, tout comme les revenus de l'Apple Store et du service Apple Pay.
Quelle est la place d'Apple TV+ dans tout ça ?
L'une des garanties du succès d'Apple est de produire le matériel des ses iPhones et autres appareils, mais aussi de les exploiter avec ses propres logiciels, iOS et macOS notamment. Apple veut désormais aussi contrôler les contenus joués sur ses appareils. Le résultat : un écosystème complet Apple. Apple disposait déjà de son propre service de musique et depuis peu, d'un service exclusif pour le jeu mobile avec Apple Arcade. Il ne manquait plus que les films et les séries.
Apple TV+ est donc la prochaine étape logique dans la volonté d'Apple de contrôler la chaîne de valeur de l'ensemble de l'industrie du divertissement : du matériel au logiciel en passant par le contenu. Il ne manque plus que les caméras. Ce n'est donc certainement plus qu'une question de temps avant qu'Apple ne fournisse également les infrastructures de tournage.
Dans ce contexte, Apple TV+ n'a pas besoin d'être un service rentable du tout. En tout cas pas tout de suite. Il suffit qu'Apple TV+ booste encore les ventes de l'iPhone afin de compenser les dépenses engendrées par le service. Apple TV+ serait donc un outil marketing qui se déguise en service de streaming et contribue à augmenter les ventes d'iPhones et autres appareils Apple. Grâce à l'exclusivité de ses services, Apple peut faire de la publicité pour ses appareils. Voulez-vous profiter d'Apple TV+ ? Il suffit d'acheter un iPhone et c'est gratuit. Du moins, pour l’instant.
Contrairement à Netflix. Ce dernier n'est pas un outil marketing, mais le modèle économique en lui-même. Le service doit générer des profits par le biais des revenus d'abonnement, sinon Netflix périra. Ce n'est pas le cas d'Apple. L'activité principale d'Apple réside dans la vente d'iPhones, iPads, iWatches et Macs.
Apple TV+, en revanche, n'est que le programme de fidélisation de la clientèle le plus coûteux de tous les temps.
Vivre des aventures et faire du sport dans la nature et me pousser jusqu’à ce que les battements du cœur deviennent mon rythme – voilà ma zone de confort. Je profite aussi des moments de calme avec un bon livre sur des intrigues dangereuses et des assassins de roi. Parfois, je m’exalte de musiques de film durant plusieurs minutes. Cela est certainement dû à ma passion pour le cinéma. Ce que j’ai toujours voulu dire: «Je s’appelle Groot.»