
Test de produit
American Nightmare 5 : Sans Limites. L’effondrement créatif d’une franchise
par Dominik Bärlocher
Dans son livre « How to Lose a Country – The Seven Steps from Democracy to Dictatorship », Ece Temelkuran décrit le déclin progressif de son pays et de la démocratie. Sur 280 pages, elle tente de sauver d'autres pays d'un destin similaire.
Dans son livre intitué « Comment conduire un pays à sa perte : du populisme à la dictature » en français, la journaliste, auteure, avocate et conférencière nous envoie à tous une lettre ouverte : elle nous met en garde contre les dangers du populisme et de la disparition de la pensée individuelle. Elle décrit le déclin de son pays et de la démocratie et tente d'en sauver d'autres du même sort.
Ece Temelkuran nous met en garde : la dictature s'installe de façon insidieuse. La démocratie est sapée à petits pas. La journaliste turque en exil en a fait l'amère expérience : depuis l'ascension au pouvoir du président Recep Tayyip Erdoğans, son pays serait en perdition.
Dans « How to Lose a Country – The Seven Steps from Democracy to Dictatorship », elle décrit la chute de son pays. Les 280 pages oscillent entre autobiographie, observation et critique acerbe de l'état actuel du monde. Elle cherche à nous épargner la perte de notre pays.
Pour nous, personnes privilégiées habitant un pays non concerné et sûr, Ece apporte avant tout une chose : une lecture passionnante et riche d'enseignements.
Ece – journaliste, auteure, avocate et conférencière – vit en exil. Elle est une épine dans le pied du régime Erdoğan et se contente désormais d'observer son pays depuis une île grecque.
Elle regarde sa patrie perdue et un monde qui risque de s'effondrer à son tour. Elle assiste à la montée du populisme aux États-Unis, rendu de nouveau acceptable par le président Donald Trump. À l'arrivée de l'isolationnisme en Angleterre, où Boris Johnson prêche une politique inconsidérée. À la percée de l'AfD (Alternative für Deutschland), parti d'extrême droite allemand, de plus en plus socialement accepté. Et à la généralisation du sexisme et du chauvinisme en Pologne, allant souvent de pair avec la pensée d'extrême droite.
And having long been a critic of Erdoğan’s regime, as dawn breaks it becomes Kristall-clear that there won’t be a place for people like me in this new democracy.
Avec le jeu de mots « Kristall-clear », normalement écrit « crystal clear », elle fait allusion et compare sa situation à la nuit de Cristal (« Kristallnacht » en allemand). Dans la nuit du 9 au 10 novembre 1938, 30 000 hommes juifs furent arrêtés et envoyés dans des camps de concentration, 267 synagogues furent détruites et plus de 7 000 magasins saccagés. Le gouvernement allemand a légitimé cette action en laissant faire. La nuit de Cristal tient son nom des bris de verre qui scintillaient au clair de lune dans les rues au matin du 10 novembre suite au saccage des lieux de cultes et vitrines des magasins.
Incorruptible, Ece est déterminée à ne pas se laisser intimider et son attitude critique envers Erdoğan a fait d'elle une persona non grata en Turquie.
Les médias, l'ignorance, la pensée dictée et non critique et la peur deviennent les pions des dirigeants politiques du monde : les propos irrespectueux sont à l'ordre du jour. Ece compare la politique à des « cage fights ».
Ece appelle les personnages clés du déclin d'une démocratie les « real people », soit les « vrais gens » en français. Ils avalent tout ce que les politiques, influenceurs, démagogues et autres idéalistes leur balancent. Mais, selon elle, les « real people » ont aussi le pouvoir de sauver une démocratie et de la faire prospérer. Tout ce dont les gens ont réellement besoin pour cela, c'est d'une pensée critique.
It was their country now. They were taking it back from the elite, while Trump was busy saing : they call themselves elites. We are the elites. We are the super elites! The real people, who had become the super elites, within the space of a year, were all for separating children from their parents in order to make America great again [...]
Lorsque les États-Unis ont séparé les parents de leurs enfants en 2018, les « real people » n'ont ressenti aucune honte. Ils ont perdu tout sentiment de honte.
Les « real people » écoutent des gens comme Katie Hopkins, une chroniqueuse populiste de droite qui préférerait voir les réfugiés et les migrants morts ou de retour dans leur pays.
It was their country now. They were taking it back from the elite, while Trump was busy saing : they call themselves elites. We are the elites. We are the super elites! The real people, who had become the super elites, within the space of a year, were all for separating children from their parents in order to make America great again [...]
Ece fait preuve de cynisme lorsqu'elle cite le président américain Donald Trump, dont la célébrité a commencé dans la série de téléréalité The Apprentice. Il n'a d'ailleurs pas oublié sa réplique iconique « You're fired » dans son travail au poste de Président des États-Unis.
La cruauté est devenue cool.
Le livre n'est pas un guide cherchant à nous, les « real people », donner les clés pour prévenir la montée du populisme, mais il nous met au défi de lever les yeux de nos smartphones et de prendre à nouveau la politique au sérieux.
« How to Lose a Country – The Seven Steps from Democracy to Dictatorship » oscille entre anecdotes, commentaire politique et analyse. Dans le livre, on trouve tant des histoires personnelles que des faits historiques et littéraires : en tant que lectrice, je souffrais avec Ece. Vous vous sentez concerné, tant par sa propre histoire et par celle de notre monde, et vous en ressentez la perte.
Au cours de la lecture, on voit Ece s'emporter : pourquoi des journaux comme The Sun donnent-ils une tribune à Katie Hopkins ? Comment un homme comme Donald Trump devient-il un leader politique ? Avec toute son honnêteté et un sentiment d'infinie tristesse, Ece le dit sans détour : la démocratie n'est garantie nulle part. Elle décrit la trahison de ses propres idéaux de démocratie et comment cela peut toutes et tous nous arriver.
« How to lose a country... » est un livre important, peut-être le plus important de ces dernières années : c'est un avertissement que nous, lecteurs en Suisse, devrions également prendre au sérieux. L'auteure encourage la coopération. Elle ne fait pas de politique. Elle explique son point de vue basé sur des faits avec une touche d'émotion lorsqu'il s'agit de sa propre histoire.
Finalement, une chose est claire pour moi en tant que lectrice : maintenant, pour moi aussi tout est clair comme du cristal.
Le monde 25 images par seconde. En tant que journaliste, je raconte des histoires, non pas parce que je le peux, mais parce que je le dois. Le monde est plein d’histoires voulant être racontées. En Suisse ou à l’étranger, il ne me faut qu’un microphone et une caméra.