
En coulisse
De la planification au trail VTT : le savoir-faire suisse au service des destinations touristiques du monde entier. Deux spécialistes de la construction de trails nous en disent plus
par Patrick Bardelli
Si une personne grandit grâce à ses défis, Nicole Reist est une géante. Suffisamment grande pour rivaliser avec un continent entier. L'ultracycliste participe pour la deuxième fois à la Race Across America.
Celui qui connaît simplement ses limites ne s'inflige pas une telle chose. Seuls ceux qui les connaissent et ne les acceptent pas, qui les repoussent toujours plus loin avec une volonté farouche, coup de pédale après coup de pédale, dans un acte de dépassement de soi sans fin, prennent le départ de la "Race Across America", la course d'ultracyclisme la plus difficile au monde. La RAAM ne comporte certes qu'une seule étape, mais elle dépasse toutes les dimensions : 4 941 kilomètres sur un vélo de course à travers les Etats-Unis, de la côte ouest à la côte est, avec un dénivelé total de 53 400 mètres. A parcourir en 12 jours maximum. Défi maximal, épuisement maximal. L'enfer sur roues - et le rêve de Nicole Reist.
La Winterthurienne de 33 ans est actuellement l'ultracycliste la plus titrée au monde, ses courses ne font que commencer à 1 000 km non-stop. "Je suis convaincue que l'homme peut faire beaucoup plus s'il est prêt à sortir de temps en temps de sa zone de confort", dit-elle en référence à sa devise selon laquelle le succès naît en dehors de celle-ci. Bien que cette notion soit très élastique et que, pour elle, elle ne commence pas juste derrière le bord du canapé, mais dans d'autres dimensions. "A l'entraînement, mon objectif est de repousser la limite le plus loin possible afin de pouvoir courir dans ma zone de confort. Le corps ne supporterait pas autre chose sur la durée."
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Elle y parvient comme peu d'autres, la liste de ses succès se lit de manière impressionnante. Titres de champion du monde, titres de champion d'Europe, records de distance, victoires en série sur le "Tortour" autour de la Suisse. Des milliers de kilomètres, des dénivelés interminables. Elle a également déjà remporté la Race Across America en 2016. Elle est l'une des 37 coureuses en solo à avoir franchi la ligne d'arrivée lors des 36 éditions précédentes. Il s'agit de courses extrêmes et d'exploits gigantesques qui ne sont pourtant que marginaux dans l'esprit du public. Un monde à part, sans grands prix ni gloire au-delà de la scène
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Il n'est pas question de mener une vie professionnelle privilégiée, Nicole Reist travaille à plein temps comme technicienne en bâtiment. "Je m'entraîne quand les autres dorment encore, ce qui fait qu'avant d'aller travailler, j'ai déjà fait ma première séance. Les week-ends, de longues séances sont au programme. De plus, il faut organiser et financer beaucoup de choses autour des courses, les coûts du seul projet Race Across America s'élèvent à environ 60 000 francs. Une vie à la limite qui ressemble en tous points à de l'austérité et qui oblige presque à se poser la question : pourquoi ? Qu'est-ce qui les motive ?
«Ce qui me fascine, c'est l'interaction entre la performance physique et la performance mentale. Une course donne l'impression de vivre à cent à l'heure - les hauts et les bas se succèdent.»
Lorsque Nicole Reist enfourchera ses vélos le 12 juin à Oceanside, en Californie, elle sera à la fois très seule et fera partie d'un grand ensemble. "Onze personnes s'occuperont de tout pour moi, 24 heures sur 24, sauf du vélo. L'équipe naviguera, me nourrira et me divertira", dit-elle, portée par l'esprit d'équipe qui règne tout au long de la course : "L'expérience d'atteindre ensemble un objectif qui semble presque inaccessible est un sentiment incroyablement bon". Elle n'est pas une combattante solitaire, mais une pièce du puzzle dans l'ensemble du projet. [[image:14253838 "Tous pour un, ensemble vers l'objectif : Nicole Reist (2e à partir de la droite).) pédale seule, mais elle peut compter sur son équipe en arrière-plan. "]]
Si son équipe fonctionne, Nicole Reist est libre. Libre pour le combat qu'elle doit aussi mener dans sa tête. "Je me concentre sur le moment présent et, si possible, je ne me préoccupe pas de ce qu'il reste à faire. Car si je n'arrive pas à faire ce tour de pédale à cet instant, je ne dois pas non plus me demander comment je vais faire ce tour de pédale dans 4000 km". Pour que le corps suive cette logique encore et encore, l'entraînement mental est un élément central de sa préparation. Elle fait abstraction des aspects négatifs et des circonstances sur lesquelles elle ne peut pas influer, comme la météo, chaque fois qu'elle le peut. Elle se concentre sur le moment présent et fait totalement confiance à son équipe. Continuer, toujours plus loin à travers les États-Unis. Il n'y a pas d'adversaire à battre, sauf soi-même.
Et pourtant, il y a beaucoup à perdre dans la Race Across America. La lutte contre son propre corps, les circonstances extérieures, la fatigue. "L'assoupissement est insidieux", explique Nicole Reist, qui est en permanence reliée à son équipe par radio. Les conversations, les énigmes et la musique qui résonne depuis le toit du véhicule d'assistance l'aident à rester éveillée et sur la bonne voie. Une fois 32 heures d'affilée, puis 24 heures non-stop et enfin deux ou trois pauses en 48 heures. Elle descend alors de son vélo de course pendant une heure. Il n'est pas difficile d'imaginer l'effort personnel qu'il faut ensuite fournir pour remettre en marche un corps épuisé : "Il est essentiel que je ne sois pas réveillée d'une phase de sommeil profond et que tout se déroule très rapidement après le réveil", explique-t-elle. "Dès que j'ai le temps de réfléchir, je tombe dans une spirale négative". Partir avant que l'esprit ne puisse capituler - c'est tout l'art.
Après tout, elle sait exactement dans quoi elle s'engage. Elle en a déjà fait l'expérience : "De la dernière fois, je sais que je peux terminer cette course. En 2016, personne ne savait si j'avais la capacité de parcourir 5 000 km" Nicole Reist connaît la privation extrême de sommeil, la rugosité du revêtement routier et ses conséquences : "Les mains et les pieds étaient douloureux non-stop", se souvient-elle, "et ce sera encore le cas cette fois-ci", sauf qu'elle peut encore mieux s'y préparer mentalement. Les douleurs viendront, mais les récompenses aussi. "Je n'oublierai jamais ma première descente dans un désert", se souvient-elle. "Cette immensité m'a fascinée."
Elle ne veut pas s'y perdre, mais y arriver : "Peu importe mon expérience et mon succès, chaque course commence au kilomètre zéro et chaque mètre doit être parcouru". Pour sa première participation, elle a roulé 11 jours, 14 heures et 25 minutes. "Si tout se passe comme prévu, je serai plus rapide cette fois-ci", déclare Nicole Reist. Elle va rouler, chaque tour de pédale étant une petite victoire sur un long chemin. L'équipe derrière elle, le pays devant elle, repoussant ses propres limites de plus en plus loin. Et un jour, elle arrivera là où elle ne pourra plus aller : sur la côte Est, au City Dock d'Annapolis. A l'arrivée.
Nom: Nicole Reist
Naissance: 26 juin 1984
Lieu de résidence: Winterthur
Élevé à : Tann, ZH
Profession : Technicienne diplômée ES en bâtiment
2017: Victoire et titre de championne du monde au Glocknerman Ultraradmarathon World Championship (1 000km, 16 000hm);
victoire et titre de champion suisse au TORTOUR (1 000 km, 13 000 hm) ; victoire au classement général, record du parcours et
titre de champion d'Europe à la Race Around Ireland (RAI, 2 150 km, 21 000 hm)
2016: Victoire à la Race Across America (RAAM, 5 000 km, 50 000 hm) ; victoire et titre de champion suisse au TORTOUR
2015: Victoire au TORTOUR
2014: Victoire et titre de champion du monde au championnat du monde d'Ultraradathon Glocknerman ; victoire au TORTOUR
2013: Victoire à la Race Around Austria (RAA, 2 200 km, 30 000 hm)
2012: Victoire à la Race Around Austria
2007: Victoire et titre de champion du monde au Glocknerman Ultraradmarathon World Championship
Écrivain amateur et père de deux enfants, j’aime être en mouvement et avancer en équilibre sur le chemin sinueux de la vie de famille. Je jongle avec plusieurs balles et il m’arrive parfois d’en faire tomber une. Il peut s’agir d’une balle, ou d’une remarque. Ou des deux.