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En visite chez la sexologue

Fétichisme, douleurs, perte de libido. Dania Schiftan traite quotidiennement des personnes avec des problèmes de sexualité. Aperçu du travail d'une sexologue.

J'enfonce mes pieds dans le tapis douillet multicolore. La lumière inonde la pièce : on se croirait dans un paquet de smarties. Le cabinet de Dania Schiftan à Zurich n'a rien d'oppressant. J'ai beau chercher, je ne vois aucun canapé en cuir austère comme dans les films. Depuis 13 ans maintenant, Dania Schiftan travaille à son compte avec des couples et des célibataires qui cherchent des réponses et veulent stimuler leur sexualité. Il s'agit de personnes dont la vie sexuelle n'est pas aussi épanouissante qu'elles le voudraient ou qui rencontrent des difficultés dans leur sexualité. En discutant avec la sexologue, je découvre quelles sont les questions qui préoccupent le plus sa clientèle et contre quels préjugés elle doit se battre dans son métier.

Vous n'avez pas une profession banale. Comment avez-vous décidé de devenir sexologue ?

Dania Schiftan, sexologue et psychothérapeute :

mon père était vétérinaire, ma mère pédopsychologue et, enfant, je posais énormément de questions. Heureusement, chez nous, tout le monde était ouvert et j'ai toujours obtenu des réponses. Au cours de mes études de psychologie, j'ai vécu ma première relation amoureuse sérieuse. C'est alors que je me suis posé des questions personnelles telles que : comment puis-je ressentir encore plus de plaisir dans ma vie sexuelle ? Mes études ne m'apportaient pas de réponse à mes questions sur notre intimité de couple. En effet, en cours, nous n'abordions que des questions et problèmes extrêmes tels que le fétichisme et les cas pénaux. C'est pourquoi, à l'époque, je m'étais adressée à ma gynécologue qui a pu m'aider pour certaines choses grâce à ses connaissances médicales, mais qui a dû se référer à ses propres expériences pour d'autres. C'était clair : si j'avais des questions, je n'étais probablement pas la seule. C'est ainsi que j'ai trouvé le sujet de mon travail de licence.

À l'aide du tableau blanc, Dania Schiftan explique de manière compréhensive des faits complexes.
À l'aide du tableau blanc, Dania Schiftan explique de manière compréhensive des faits complexes.

Sur quoi votre recherche portait-elle ?

J'ai fait une étude sur les comportements sexuels des Suisses allemands. 15 000 personnes ont répondu à mon questionnaire, dont 6900 réponses étaient utilisables. C'est un chiffre énorme. Et cela, alors que je m'étais dit que peu de gens allaient probablement participer au sondage. La problématique a eu un écho important. C'est à ce moment-là que j'ai commencé des formations continues durant mes études et ma formation de psychothérapeute. Aujourd'hui, j'aide les autres à trouver des réponses aux mêmes questions que je me posais moi-même à l'époque.

Existe-t-il des gens de votre entourage qui ne comprennent pas votre choix de carrière ?

Non, bien au contraire. J'ai toujours eu le soutien de ma famille. Mon grand-père, qui avait plus de 80 ans à l'époque, a même corrigé mon mémoire et cela bien qu'il appartenait à une autre génération et qu'il avait une tout autre compréhension de l'intimité et de la morale. Je crois qu'il a été embarrassé par certains passages. Cela dit, il m'a toujours soutenue.

La vulve en peluche est utilisée pour l'éducation sexuelle.
La vulve en peluche est utilisée pour l'éducation sexuelle.

Êtes-vous parfois confrontée à des préjugés ?

Beaucoup de gens croient qu'en tant que psychothérapeute je les analyse constamment et que je réfléchis à leur vie sexuelle en les voyant... Les gens se sentent très vite percés à jour. Ce que je peux dire : dans mon temps libre, je ne le fais pas.

Vous avez écrit un livre sur le fait qu'avec l'entraînement, une femme peut atteindre l'orgasme plus facilement. S'agit-il de l'une des principales raisons pour lesquelles les femmes vous consultent ?

C’est le cas, en effet. De nombreuses femmes qui viennent chercher de l'aide ont des problèmes à atteindre l'orgasme. J'ai malheureusement constaté que bien souvent les femmes se résignent. Elles pensent que c'est une fatalité et qu'elles ne peuvent rien y changer, alors qu'en réalité elles peuvent y travailler. Les douleurs pendant les rapports et la question du désir respectivement du manque de désir sont des problèmes qui préoccupent beaucoup de femmes. Je les aide à amorcer des changements grâce aux bons exercices, mesures et entraînements.

Qu'est-ce qui préoccupe les hommes ?

Les hommes sont souvent préoccupés par une éjaculation précoce, une perte d'érection ou de ne pas parvenir du tout à en avoir une. Le manque de libido est également une préoccupation. Les échecs dans la vie sexuelle démotivent et mènent à la crainte de perdre sa partenaire. En général, les hommes ont tout autant de problèmes que les femmes. Il arrive aussi que des personnes se tournent vers moi avec des questions concernant leur identité sexuelle. Je leur montre alors que le spectre de la sexualité est bien plus vaste et complexe que ce que l'on croit.

Existe-t-il une limite d'âge inférieure ou supérieure pour suivre une thérapie sexuelle ?

Ça dépend de ce que vous entendez par thérapie sexuelle. En principe, une thérapie est possible à n'importe quel âge. Il y a peu, j'ai eu un homme de 70 ans qui a des problèmes à maintenir son érection. Son médecin généraliste lui a dit que c'était normal. Lui, en revanche, ne voulait pas se contenter de cela, car la sexualité lui apporte beaucoup. C'est donc sur ce point que nous travaillons.
Les mères de famille aussi me demandent conseil sur le développement ou l'éducation sexuelle de leurs enfants. En général, mes patients ont entre 18 et 75 ans.

Il y a un vrai zoo dans la bibliothèque. Les figurines d'animaux aident les patients à représenter des constellations relationnelles de manière symbolique.
Il y a un vrai zoo dans la bibliothèque. Les figurines d'animaux aident les patients à représenter des constellations relationnelles de manière symbolique.

Combien de temps accompagnez-vous en moyenne vos clients ?

Il existe des personnes qui ne viennent qu'à une ou deux séances et d'autres qui suivent une thérapie durant deux à trois ans. Dans mon cas, les transitions vers la psychothérapie sont fluides et j'exerce les deux métiers avec passion.

Selon vous, quelle est l'origine la plus courante pour les problèmes liés à la sexualité ?

Le fait que la question de la sexualité est traitée de manière curieuse. D'un côté, on en parle comme si c'était quelque chose de très simple et que nous étions tous très ouverts et, d'un autre, il n'existe pas assez d'éducation sexuelle. En effet, on ne nous enseigne pas assez de choses sur la sexualité. Personne ne nous parle de ce qui se passe dans notre corps ou la manière dont nous pouvons influencer positivement notre propre désir. Il y a un grand écart entre notre propre vécu et la perception que nous devons être ouverts et traiter cette question de manière décontractée. Les deux expériences ne se recoupent pas et la conséquence est une tension qui peut se révéler éprouvante. C'est la raison pour laquelle les gens n'osent pas poser de questions. Ils pensent être bizarres lorsqu'ils ne savent pas quelque chose.

Dania Schiftan me conseille d'aller jeter un œil sur le compte Instagram @das.da.unten.
Dania Schiftan me conseille d'aller jeter un œil sur le compte Instagram @das.da.unten.

J'imagine que ça demande beaucoup d'efforts à certaines personnes de venir chercher de l'aide professionnelle pour les affaires de sexualité...

Une fois que les personnes sont chez moi, elles se rendent compte que ce n'est pas si difficile de parler de sujets intimes comme le fétichisme par exemple. L'appréhension est surtout présente avant la première séance, car elles ne savent pas ce qui les attend. C'est pourquoi j'aimerais que notre travail en tant que sexologue soit plus connu. Les gens ont souvent une fausse image de nous, comme quoi nous sommes étranges et que les séances sont obscures. La manière dont je propose la thérapie sexuelle n'exige en aucun cas que le patient ou la patiente se déshabille et l'excitation n'y a pas sa place. Toutefois, le désir de changement est une condition pour toute thérapie. En effet, il ne faut pas simplement accepter sa situation, mais vouloir la changer activement. Une telle intervention demande le courage de faire face à sa propre histoire. Observer cette volonté chez les autres représente la partie la plus belle de mon métier.

Voilà la première partie d'une série d'articles avec Dania Schiftan sur le thème de la sexualité. Vous avez des remarques ou des questions auxquelles vous aimeriez avoir des réponses dans le prochain article ? Alors, laissez-moi un commentaire ci-dessous ou écrivez-moi à natalie.hemenguel@digitecgalaxus.ch

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En tant que fan de Disney je vois toujours la vie en rose, je vénère les séries des années 90 et les sirènes font partie de ma religion. Quand je ne danse pas sous une pluie de paillettes, on me trouve à des soirées pyjama ou devant ma coiffeuse. PS Le lard est un de mes aliments favoris. 


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