
Guide
En visite chez la sexologue
par Natalie Hemengül
La sexualité est un sujet clivant. Certaines personnes se réjouissent du discours ouvert sur cette problématique, alors que d'autres, énervées, la rejettent. De temps à autre, les lecteurs et lectrices réagissent à ce sujet sur Galaxus de manière outrée. Pourquoi est-ce le cas ?
Dégoût, incompréhension, indignation... Les esprits s'échauffent parfois dans notre champ commentaire. Lorsqu'il s'agit d'un article sur des sujets comme le sexe ou la santé des femmes, certains lecteurs et lectrices semblent s'irriter. La sexologue Dania Schiftan explique les raisons pour lesquelles certaines personnes saluent l'échange public qui a lieu alors que d'autres s'en formalisent.
« Personne ne doit être en accord avec le fait qu'on parle ouvertement de sexe, déclare Dania Schiftan, il s'agit d'un avis totalement légitime. » Après tout, le sexe n'intéresse pas tout le monde. « Ce qui me surprend toujours, en revanche, c'est la violence avec laquelle certaines personnes expriment leur point de vue. » La sexualité est un sujet qui semble susciter beaucoup d'émotions. Certains s'y intéressent de manière positive et d'autres le repoussent négativement. « La problématique affecte les gens. Certains la perçoivent même comme quelque chose de menaçant. », souligne l'experte.
Ces commentaires ont été publiés à la suite d'un article traitant de la musculation du périnée.
Il s'agit de points de vue que nous aimons qualifier de « coincés ».
Dania Schiftan met en garde contre le fait de rejeter l'inhibition comme un phénomène social. « Il existe des gens qui n'aiment pas parler d'intimité, mais qui sont très libres dans leurs actions. D'autres, à l'inverse, parlent beaucoup de sexe, mais sont très complexés dans leurs comportements. » Dans son cabinet, la sexologue observe qu'initialement les gens parlent ouvertement jusqu'à un certain point. Dès que l'on aborde le côté personnel du sujet, la plupart se sentent gênés. En effet, des questions telles que « que ressentez-vous à ce moment-là ? » ou « qu'est-ce qui vous plaît ou vous déplaît ? » sont ressenties comme désagréables. Cela dit, lors des séances de thérapie, les patients sentent rapidement qu'ils peuvent s'exprimer librement. Dania Schiftan explique que dans des discussions entre amis, en revanche, on atteint rapidement nos limites. « Nous vivons dans une société où il est considéré comme « pas cool » de poser des questions. Nous avons souvent l'impression de devoir tout savoir. »
Certaines personnes sont déjà mal à l'aise lorsqu'il s'agit de prononcer les noms corrects des organes génitaux, tels que vulve ou vagin :
Ce commentaire a été publié à la suite d'un article sur le rajeunissement vaginal.
Selon la sexologue, beaucoup d'enfants grandissent sans le vocabulaire spécifique de leurs parties génitales. Tout particulièrement les filles. « On y réfère souvent avec des expressions comme « la zézette » ou « le minou ». En revanche, pour les parties génitales masculines, les désignations telles que pénis ou queue sont souvent utilisées de manière plus décontractée. Les organes génitaux féminins ne reçoivent souvent pas de nom du tout. » Celui ou celle qui grandit dans un environnement où l'on ne nomme pas les choses ne connaîtra pas certains termes tels que vulve ou vagin. « À partir de là, c'est à deux doigts de devenir ‹ menaçant › ou même ‹ dégue ›, alors qu'il s'agit de mots comme les autres. » La seule différence réside dans le fait que nous soyons déconcertés de les utiliser.
Les règles font partie de la même catégorie effrayante. « Nous vivons dans une époque où les fluides corporels tels que la sueur ou le sang des règles sont un peu tabous. C'est comme si une énorme vague d'hygiène s'était déferlée sur nous et n'avait laissé plus aucune place au corps humain. Nous avons complètement perdu notre côté ‹ naturel ›. »
Pourquoi un film de guerre sanglant serait-il accepté alors que le sang périodique est représenté en bleu dans les pubs pour éviter de faire rougir les gens ? Après tout, environ la moitié de l'humanité a les règles.
Ce commentaire a été publié à la suite d'un article sur les cups menstruelles.
« De leur propre expérience, les hommes ne connaissent pas les règles menstruelles. C'est pourquoi certains peinent à trouver la bonne manière d'aborder ce sujet. », déclare Dania Schiftan. « En outre, dans beaucoup de religions, la femme est considérée comme impure durant cette période-là. Dans d'autres religions naturelles, en revanche, elle est vue comme sacrée, car les règles sont la preuve de sa fertilité. » L'experte souligne aussi qu'il s'agit là de la raison pour laquelle certaines femmes perçoivent ce sujet d'un point de vue négatif en fonction de la manière dont elles y ont été familiarisées. Elles se sentent sales et dégoûtantes. Ce qui mène de nouveau vers une perception de soi négative. La sexologue ajoute : « c'est dommage, car on pourrait traiter et cultiver le thème des règles de manière complètement différente. »
Selon la sexologue, le fait qu'un sujet soit rejeté ou non dépend également de la connaissance qu'ont les gens de la fonctionnalité qui se cache derrière ce sujet. Prenons l'exemple de la musculation du périnée. « De nombreuses personnes ne savent pas en quoi la musculation du périnée est bénéfique et quelle fonction le périnée revêt. C'est pourquoi les gens se font leur propre idée de ce qu'une femme peut ou doit faire. » Des informations sur la manière dont les femmes peuvent le renforcer ou un article qui fait part des points positifs des règles renforcent la femme en tant que telle. « Ça ne convient pas à tout le monde. Si l'on discute en revanche de la manière dont les hommes peuvent augmenter leur virilité et leur érection, on se heurtera à moins de résistance. La sexualité des hommes jouit d'une position importante dans notre société. »
Ce commentaire a été publié sous un article sur la musculation du périnée.
Selon la sexologue, les jouets sexuels sont également mieux acceptés. « L'aspect technique est une sorte de norme dans notre quotidien et un sujet moins abstrait que celui du désir. » Tout particulièrement le sujet du désir et de l'excitation de la femme revêt une importance secondaire dans la tête des hommes et des femmes. « Il existe aujourd'hui encore des femmes qui soutiennent que la sexualité est plus importante pour un homme que pour une femme. Ou encore, que la sexualité d'un homme est plus logique et compréhensible que celle d'une femme. Ça rend le plaisir féminin imprévisible aux yeux de beaucoup de monde. »
Ceux qui s'opposent au contenu d'un article dans la partie commentaires ont souvent sélectionné, lu ou survolé l'article en question. Mais pourquoi regarder quelque chose qui nous répugne ? « C'est ici que l'on aperçoit les deux poids deux mesures de la morale des gens. En effet, ils sont totalement fascinés, presque excités et tout aussi énervés par le sujet de la sexualité ou des sujets connexes. L'excitation et l'effervescence sont deux émotions très proches. Les sentiments peuvent facilement se mélanger. Les commentaires désagréables sont une manière de gérer ce chaos émotionnel. »
En résumé, on peut dire que l'inconnu est perçu comme menaçant et que la partie commentaires est une soupape qui permet de ventiler l'excitation et l'effervescence. Selon Dania Schiftan, c'est justement pour ça qu'il faut favoriser le débat. « Celui qui atteint ses limites dans sa propre sexualité trouvera des points de repère dans les discussions ouvertes. Les autres sont-ils pareils ou vivent-ils certaines choses différemment ? » Un tel échange peut aussi se faire en public. « Galaxus est une plateforme où l'on ne s'attendrait pas à un tel débat. De cette manière, même les personnes qui n'ont pas l'habitude d'être en contact avec de tels contenus y sont confrontées. » Ça se voit dans les commentaires. Selon la sexologue, la chose la plus précieuse qu'un article puisse produire est l'émergence d'une discussion, dans un sens positif et négatif. « La sexualité doit pouvoir être un sujet comme un autre sur lequel on peut débattre. Il faut seulement que cela se fasse sans que certaines personnes en soient trop contrariées. »
Ce commentaire a été publié à la suite d'une analyse du film érotique 365 jours.
L'éducation sexuelle comme partie intégrante de la formation scolaire pourrait y contribuer. « Je souhaiterais que les enfants apprennent dès l'école enfantine les différentes parties du corps et leurs noms exacts. Qu'on enseigne aux enfants à quoi ressemblent ces parties du corps, comment en prendre soin et dans quelle mesure elles appartiennent à chaque personne. » La plupart des enfants apprennent le fait qu'il faille se défendre et savoir dire non. En revanche, ils n'apprennent pas la référence positive aux parties du corps et à leur propre sexe. « Avec une base solide, le sujet pourrait être traité à chaque niveau scolaire en fonction de l'âge des élèves. » Pendant ce temps, nombreux sont ceux qui reçoivent une éducation sexuelle limitée aux dangers des maladies, à la prévention de la grossesse et des agressions. Les aspects agréables et appréciés tels que la masturbation ne sont pas abordés dans le programme d'études. « Sans parler des sujets élémentaires comme les avantages et les inconvénients de la pornographie, des sextos, etc. »
« Dans tout ce qu'ils font, les gens s'orientent en fonction de leurs normes et valeurs personnelles. », déclare Dania Schiftan. Même les commentateurs indignés. Leurs normes et valeurs sont façonnées par ce qui est connu et remises en question par l'inconnu. « Beaucoup de ces normes et valeurs qui nous procurent un soutien ont été façonnées au fil des siècles par une société qui a dicté quand, comment et avec qui nous pouvons vivre ‹ correctement › notre sexualité. » Seulement après le mariage ; à une fréquence définie ; avec une personne d'un sexe défini ; etc. La sexualité a dégénéré en instrument de contrôle. « Si les sujets de discussion dévient de la norme définie, alors certaines personnes se sentent menacées au niveau existentiel. C'est pourquoi, malheureusement, même aujourd'hui, beaucoup de gens ont peur de laisser les autres vivre librement et décider par eux-mêmes. »
Dania Shiftan travaille depuis 13 ans comme sexologue et psychothérapeute dans son cabinet à Zurich. Vous trouverez plus d'informations sur elle et son travail dans l'interview que j'ai menée avec elle :
En tant que fan de Disney je vois toujours la vie en rose, je vénère les séries des années 90 et les sirènes font partie de ma religion. Quand je ne danse pas sous une pluie de paillettes, on me trouve à des soirées pyjama ou devant ma coiffeuse. PS Le lard est un de mes aliments favoris.