
Dans les coulisses
Taux de retour : de grandes différences selon le groupe de produits
par Alex Hämmerli
La COVID demeure un facteur d'accélération de la numérisation qui s'applique aussi au secteur de la santé : la télémédecine et le commerce en ligne de médicaments sont en plein essor. Jvonne Scherer, Category Lead Beauté + santé chez Galaxus, a su capter l'air du temps en voulant faire du grand magasin en ligne une pharmacie.
Jvonne Scherer est responsable du secteur beauté et santé chez Galaxus. Avec son équipe, elle conclut actuellement de nombreuses collaborations avec des marques cosmétiques et pharmaceutiques réputées. Pour de nombreuses entreprises de renom, la pandémie et l'évolution du comportement d'achat des clients ont fait du commerce électronique un canal de vente appréciable : « Nos partenaires savent que le commerce électronique sera incontournable en 2021 », note Jvonne et ajoute : « En tant que détaillant en ligne, nous aussi en profitons : nous pouvons offrir à nos clients un choix toujours plus grand de produits de qualité directement depuis notre entrepôt ». Mais Jvonne est encore bien loin de l'objectif qu'elle s'est fixé ; le chemin vers la pharmacie en ligne est parsemé d'embûches.
Dans la rubrique Santé sur Galaxus, nous vendons actuellement environ 35 000 articles.
Quand je cherche « aspirine » sur Galaxus, je reçois l'ordinateur portable Acer « Aspire » comme suggestion, mais pas de comprimés contre le mal de tête. Le chemin vers la pharmacie en ligne est encore long, non ?
Jvonne Scherer : (rires) si on considère la gamme de produits de santé Galaxus pour le moment, Galaxus tient plus d'une droguerie en ligne que d'une pharmacie en ligne. Dans la rubrique Santé sur Galaxus, nous proposons actuellement environ 35 000 articles ; des kits de premiers secours aux gouttes pour les yeux en passant par les tests d'ovulation. En 2017, nous avons commencé avec un peu moins de 3000 produits. En somme, notre assortiment a plus que triplé. Nous venons de connecter plusieurs grands partenaires, de sorte que pratiquement tous les médicaments sans ordonnance de la catégorie de remise E puissent être commandés chez nous.
Remise sur ordonnance, remise sans ordonnance, catégorie de remise, je ne suis pas sûr de comprendre : quels sont les médicaments que les clients en Suisse peuvent acheter sur Galaxus ?
En Suisse, il existe quatre catégories de remise : A, B, D et E, la catégorie C n'existe plus depuis 2019. En tant que détaillant en ligne, nous ne pouvons actuellement proposer que des médicaments en vente libre de la catégorie E. Ces médicaments ne nécessitent pas d'ordonnance et sont en vente libre dans les cabinets médicaux, les pharmacies et les drogueries, mais aussi dans les magasins de détail. Important : aucun conseil spécialisé et aucune obligation de documentation n'est requise. Contrairement à nous, les drogueries et les pharmacies peuvent également délivrer des médicaments de la catégorie D en offrant des conseils spécialisés.
Et par rapport à d'autres pharmacies en ligne, comment se porte notre assortiment ?
En ligne, nous vendons les mêmes produits de la catégorie E que toutes les autres pharmacies en ligne suisses. Nous proposons également d'autres services du secteur de la santé, tels que des assurances ou des produits de santé connectés, comme des pèse-personnes, des tensiomètres et des montres de sport connectées. Ce qui nous manque ? Actuellement, nous ne sommes pas encore en mesure de proposer le service Click & Collect, qui équivaudrait à une consultation spécialisée. Cette solution permettrait à nos clients de commander en ligne des médicaments de la catégorie E ainsi que des médicaments de la catégorie D, puis de les récupérer simplement à la pharmacie. Pour cela, nous avons besoin d'une pharmacie physique comme partenaire. Nous sommes convaincus que nous parviendrons à établir une telle coopération dans un avenir proche.
Notre objectif est de permettre aux consommateurs de commander plus facilement des médicaments en ligne.
Restons encore un instant sur les pharmacies en ligne suisses. Chez certaines, les médicaments sur ordonnance peuvent déjà y être commandés. Malheureusement, le processus n'est pas encore numérisé, car le cadre juridique ne le permet pas : il faut remplir un formulaire en ligne, l'imprimer et l'envoyer, avec l'ordonnance du médecin, à la pharmacie en ligne par la poste ; c'est compliqué. Pourquoi cela ?
Oui, c'est compliqué et peu intuitif. Les conditions générales du marché suisse des médicaments ne permettent actuellement pas de faire plus. La législation régissant la distribution des médicaments est très stricte au regard des normes internationales. Notre objectif est de permettre aux consommateurs de commander plus facilement des médicaments en ligne. Mais il nécessite d'abord des changements politiques et aussi la volonté de se développer numériquement.
Je comprends. En Suisse, la numérisation du secteur de la santé prend un peu plus de temps. Selon vous, quels changements politiques seraient nécessaires pour numériser durablement le secteur pharmaceutique ?
D'une part, la question se pose de savoir pourquoi les médicaments de la catégorie D ne sont pas en vente libre et pourquoi des conseils spécialisés peuvent être proposés au choix, numériquement via un chat ou par téléphone. Dans ce cas, une coopération entre les détaillants en ligne et les pharmacies serait logique, les deux parties apportant leur expertise.
En Allemagne, les médicaments de la catégorie D sont déjà en vente libre : vous pouvez déjà y acheter votre aspirine ou votre Voltaren en ligne. Et d'ailleurs, les clients suisses en profitent déjà et commandent facilement des médicaments auprès d'une pharmacie en ligne étrangère.
D'autre part, l'ordonnance physique est devenue obsolète : l'Allemagne a également une longueur d'avance à cet égard. Notre voisin va introduire l'ordonnance électronique à partir de 2022. Dès lors, les médecins devront délivrer des ordonnances électroniques avec des codes-barres accessibles via une appli. Il est ainsi beaucoup plus facile pour les patients de commander des médicaments en ligne, ce qui, en définitive, profite à de nombreux consommateurs.
Pourquoi aller à la pharmacie étant malade, alors que je peux commander mon médicament en un seul clic depuis la maison ?
En Allemagne, on s'attend donc à un boom de la vente en ligne de médicaments sur ordonnance ?
En effet. Cette innovation entraîne un immense potentiel de marché pour les pharmacies en ligne. Selon un article récent du magazine financier Cash, rien qu'en Allemagne, environ 54 milliards d'euros sont dépensés chaque année en médicaments remis sur ordonnance. À l'heure actuelle, le taux de pénétration du commerce en ligne n'est que de 1,4 %. Par conséquent, la plus grosse part du gâteau se taille aujourd'hui dans le commerce stationnaire. En Suisse, la situation est comparable. Elle changera dès que de nouveaux cadres juridiques entreront en vigueur et que les consommateurs réaliseront qu'ils peuvent facilement commander leurs médicaments en ligne pour les faire livrer à domicile. Pourquoi aller à la pharmacie étant malade, alors que je peux commander mon médicament en un seul clic depuis la maison ?
Penses-tu que la pandémie va jouer en faveur des pharmacies en ligne et accélérer le processus politique en Suisse ?
Je pense que la COVID a prouvé que beaucoup de choses fonctionnent tout aussi bien en numérique. La pandémie nous a montré que le télétravail sont des solutions de remplacement valables à la routine classique du bureau. La numérisation ne peut être arrêtée, pas même dans le secteur de la santé. En Suisse, nous devons nous demander à cet égard si nous voulons jouer un rôle de pionnier ou faire partie des derniers à prendre le pli de la numérisation. Le statu quo est le suivant : la Suisse a l'une des réglementations les plus restrictives d'Europe en matière de médicaments. Voulons-nous la garder ainsi ? Il serait judicieux et utile que nous soyons également mieux positionnés sur le plan numérique dans le secteur de la santé. J'en appelle ici aux politiciens suisses : il faut se réveiller, sinon nous allons manquer le tournant numérique dans le secteur de la santé.
Des études affirment que notre capacité d'attention est plus courte que celle d'un poisson rouge. Aïe. Mon travail consiste à attirer votre attention aussi souvent et aussi longtemps que possible avec des contenus qui vous intéressent. En dehors du bureau, j'aime passer du temps sur le court de tennis, lire et regarder Netflix, ou voyager.