
En coulisse
Ce que le Canon EOS 1D X Mark III révèle sur l'avenir des appareils photo
par David Lee
Cela fait longtemps que l’iPhone prend des photos au format HEIF. Windows est capable de le gérer depuis peu, de même que le tout dernier appareil photo haut de gamme de chez Canon. Le très ancien JPEG va-t-il enfin disparaître? C’est très peu probable.
Le format de fichier HEIF (parfois aussi appelé HEIC) se répand de plus en plus. Apple l’utilise depuis longtemps. Depuis iOS 11, c’est le format que l’iPhone privilégie pour prendre des photos. Il est compatible avec Mac depuis OS 10.13. L’Android le reconnaît depuis la version 9 et depuis peu, Windows 10 sait aussi le gérer. Lors du CES, le fabricant d’appareils photo Canon a annoncé la sortie de son premier appareil capable d’enregistrer les clichés directement en HEIF.
HEIF signifie «High Efficiency Image File Format». Il porte bien son nom : le HEIF comprime les photos bien plus efficacement que le JPEG. Les fichiers sont nettement moins lourds pour une qualité identique. La réduction de la taille des fichiers dépend de la qualité, des dimensions des photos et du motif, mais les fichiers sont souvent moitié moins lourds. La compression se base sur le codec vidéo HEVC, aussi appelé H.265. C’est pourquoi Apple utilise l’extension «.heic».
Contrairement au JPEG, le HEIF ou HEVC peut comprimer sans perte de qualité. En outre, il est possible d’enregistrer des photos avec une profondeur de couleurs supérieure à 8 bits. Les deux inconvénients majeurs du JPEG sont donc éliminés.
Les avantages du nouveau format ne s’arrêtent pas là. Il s’agit d’un format conteneur pouvant accueillir différents types de contenus, dont des fichiers audio. Pour la photographie, il est surtout intéressant de pouvoir enregistrer un groupe de plusieurs images en un seul fichier. C’est intéressant pour les prises de vue en rafale ou le bracketing HDR.
Le HEIF va-t-il remplacer le JPEG? Je ne pense pas. Au mieux, il trouvera sa place en plus du JPEG.
Il y a déjà eu plusieurs tentatives de remplacer le JPEG né en 1991. Cela n’a jamais fonctionné. On n’a jamais produit autant de fichiers JPEG qu’aujourd’hui.
Si les formats PNG et WebP n’ont pas entièrement remplacé le JPEG, la raison est relativement évidente. WebP est complètement orienté sur l’affichage en ligne et n’est donc pas en mesure de montrer plus de 8 bits de profondeur de couleurs. La compression est certes plus efficace, mais les avantages par rapport au JPEG si bien établi sont peu nombreux.
Le PNG peut contenir plus de 8 bits et permet aussi la compression sans perte de qualité. Alors que le JPEG a été optimisé pour les photos, le PNG est plutôt pensé pour les graphiques comme les logos et captures d’écran simples. Il devait remplacer le GIF et il a rempli cette mission, au moins partiellement. Pour les photographes, le plus gros problème du PNG est qu’il ne peut pas enregistrer de métadonnées Exif. Ces dernières fournissent des informations sur la prise de la photo, par exemple le modèle d’appareil photo utilisé, le temps de pose ou la sensibilité ISO. Un format incapable de stocker ces informations n’est pas envisageable comme format de sortie sur un appareil photo.
Pourtant, le JPEG a étonnamment survécu même face à des formats qui lui étaient supérieurs à presque tous les égards. En 2000 est né le JPEG2000 qui devait succéder au JPEG. Il permet la compression sans perte, une profondeur de couleurs étendue, les données Exif et encore d’autres atouts très utiles aux graphistes. Ce fut pourtant un échec.
Une autre tentative a eu lieu quelques années plus tard avec le JPEG XR. Ce format s’appelait à l’origine Microsoft HD Photo et était propriétaire. Tout comme le JPEG2000, le JPEG XR n’est pas soumis à des frais de licence. Cependant, les deux formats font l’objet de brevets que les entreprises peuvent faire valoir à tout moment. Cela peut avoir rebuté les fabricants de matériel et les éditeurs de logiciels, surtout au début.
La persistance du JPEG s’explique avant tout par le fait qu’il atteint son objectif, même encore aujourd’hui. Les inconvénients qui peuvent sembler rédhibitoires au premier regard ne le sont pas en réalité.
La perte de qualité liée à la compression est très rarement un problème au quotidien. Lors d’une sauvegarde unique, les lacunes ne deviennent visibles qu’à partir d’un niveau de compression jamais utilisé sur les appareils photo. Avec un bon niveau de qualité, les défauts n’apparaissent qu’après des écrasements successifs du fichier. Ce n’est pas ce qui se produit dans le cadre de la retouche photo telle qu’elle est habituellement pratiquée de nos jours. Les programmes graphiques calculent les modifications à partir des fichiers originaux et non à partir d’un résultat intermédiaire déjà retouché.
Reste la question de la profondeur de couleurs. Pour un format final, 8 bits suffisent. Les nuances supplémentaires disponibles à 10, 12 ou 14 bits ne sont pour la plupart pas perceptibles par l’œil humain. Elles ne sont utilisées que pour la retouche. Avec plus de nuances, je peux modifier plus fortement une photo sans effets secondaires négatifs. Pour ces situations, il existe déjà un format de fichier: les données brutes de l’appareil photo ou DNG, la version standardisée de celles-ci.
Bien sûr, il serait plus pratique d’avoir un format pour tout. Si le HEIF peut remplacer aussi bien le JPEG que le RAW, alors il a de bonnes chances de réussir. Dans ce cas, il faudrait qu’il atteigne au moins 12 bits et pas seulement 10 comme c’est le cas actuellement, mais cela se solderait par des fichiers nettement plus gros.
D’ailleurs, les spécifications du JPEG prévoyaient que 12 bits soient possibles en plus des 8 bits. Cela n’a toutefois jamais été mis en pratique.
Mon intéret pour l'informatique et l'écriture m'a mené relativement tôt (2000) au journalisme technique. Comment utiliser la technologie sans se faire soi-même utiliser m'intéresse. Dans mon temps libre, j'aime faire de la musique où je compense mon talent moyen avec une passion immense.