L’amour des appareils

Samuel Buchmann

31/7/2023

La passion pour un produit est parfois émotionnelle. Elle peut être drôle, mais aussi aveugle.

Récemment, j’ai comparé deux ordinateurs. À la fin, il était clair que :

• l’ordinateur A est plus rapide et moins cher
• l’ordinateur B est plus efficace et plus silencieux

Deux produits, des atouts différents. Quel est le meilleur appareil ? C’est une question de goût. C’est exactement ce que j’ai écrit de manière un peu plus détaillée dans un article.

La colonne des commentaires a explosé.

L’ordinateur A étant un PC et l’ordinateur B un Mac, les émotions ont pris le dessus pour certains. L’aile extérieure d’une faction a décelé une propagande anti-PC malveillante, les ultras de l’autre camp ont soupçonné une conspiration anti-Mac. Certains commentaires étaient empreints d’indignation : comment oser comparer un Mac à un PC ! Les pôles extrêmes ont à peine remarqué que l’article faisait l’éloge des avantages de leur système favori. Ils ont vu rouge lorsque j’ai mentionné des inconvénients.

Cet exemple n’en est qu’un parmi d’autres. Dans pratiquement chaque essai d’un appareil populaire, les fans et les détracteurs entrent en scène. Peu importe que la revue soit différenciée et bien fondée : les fans se plaignent des critiques, les détracteurs des louanges.

Liens émotionnels avec les transistors

Ceux ou celles qui connaissent Internet ne le prennent pas personnellement. C’est un peu comme au football : si les deux équipes lèvent la main de temps en temps, l’arbitre sifflera probablement de manière équilibrée.

Néanmoins, je suis toujours impressionné par la passion que suscite un sujet apparemment aride comme l’électronique. Certains ordinateurs, appareils photo ou smartphones sont un mode de vie pour certaines personnes. Elles ne se contentent pas d’adopter une disposition de transistors, mais se créent une identité de groupe.

Je comprends cela dans une certaine mesure. Je suis également fanboy de certains produits, par exemple de ce produit irrationnellement cher ou d’un appareil photo peu pratique. Parfois, il n’est pas possible d’expliquer exactement pourquoi un appareil et une marque sont tant appréciés. C’est tout simplement parce qu’une chose vous plaît et que vous créez un lien avec elle. C’est ce que les fabricants essaient de promouvoir de manière ciblée par le biais du marketing du style de vie.

La valeur subjective des facteurs émotionnels

Est-ce une mauvaise chose ? Pas forcément. On a le droit d’apprécier les marques et les appareils qui peuvent être agréables à utiliser. Peu importe que le plaisir soit basé sur la performance ou sur l’esthétique et la prise en main. Ces dernières sont souvent oubliées lors de l’évaluation des appareils électroniques, car elles ne sont pas mesurables. Elles ont quand même une valeur dans notre subconscient.

L’importance accordée aux facteurs émotionnels varie d’une personne à l’autre. Pour certaines personnes, il est important que leur aspirateur ait remporté un prix de design, pour d’autres non. Je suis satisfait de la taille parfaite de mon ordinateur portable, vous ne vous en souciez peut-être pas. Par conséquent, les avis divergent quant à l’appareil qui vaut son prix.

Les personnes qui s’identifient fortement à un produit s’investissent émotionnellement. La critique de leur appareil préféré est donc tout aussi négative que la critique d’un membre de leur famille. Elles se mettent immédiatement sur la défensive ou lancent une contre-offensive. Il est acceptable de partager son opinion sur un produit ou une marque. Il n’y a que deux choses que je souhaite parfois en lisant les commentaires :

1. La tolérance et l’ouverture à d’autres perspectives. Les priorités personnelles ne coïncident pas nécessairement avec celles des autres. Cela ne rend pas leurs opinions fausses ou inférieures.
2. Une prise de conscience que même sa propre opinion ne repose jamais exclusivement sur des faits concrets. Ceux ou celles qui le reconnaissent et parviennent à séparer les facteurs émotionnels des avantages fonctionnels argumentent plus efficacement.

Voici un exemple tiré des commentaires de l’article susmentionné, qui illustre parfaitement ces deux points :

Aimer un produit et rester objectif

Un peu de sérénité, c’est bien. Car l’amour pour un produit peut aller trop loin et rendre aveugle. Chaque choix peut être légitimé si l’on voit tout en rose On ignore tous les défauts. On justifie n’importe quel prix. Les rédacteurs et rédactrices de Digitec-Galaxus essaient de l’éviter pendant les essais. En privé, j’ai quand même acheté des choses que je voulais mais dont je n’avais pas besoin.

L’astuce consiste à trouver un équilibre. Le facteur « envie d’avoir » peut être pris en compte dans une décision d’achat. On peut l’assumer sans le rationaliser. L’important est de ne pas se laisser aveugler, mais de décider en connaissance de cause. Malgré les émotions, il ne faut pas oublier la base : contrairement à l’art, un appareil n’existe pas seulement comme une fin en soi. Il doit remplir une mission, sinon tout le reste est vain.

Ceux ou celles qui en tiennent compte peuvent se faire plaisir et aimer leurs appareils tout en respectant les opinions des autres. En fin de compte, il s’agit de transistors.

Samuel Buchmann

Senior Editor

Samuel.Buchmann@digitecgalaxus.ch

Mon empreinte digitale change régulièrement au point que mon MacBook ne la reconnaît plus. Pourquoi ? Lorsque je ne suis pas assis devant un écran ou en train de prendre des photos, je suis probablement accroché du bout des doigts au beau milieu d'une paroi rocheuse. plus

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