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Quelle est la quantité de sang de pet ?
par Ümit Yoker
Qu'est-ce que je peux et veux transmettre à mes enfants du pays où je suis né et où j'ai vécu jusqu'à il y a quelques années ? La Suisse peut-elle être un foyer pour eux, même s'ils grandissent au Portugal ?
Je veux que mes fils portugais sachent à quoi ressemble le son de Jörg Schneider faisant le guignol. Ils peuvent chanter la première strophe de "Det äne am Bergli", même si personne ou presque ne peut chanter à deux mille kilomètres à la ronde. Ils connaissent le goût des pattes d'ours et leur gâteau d'anniversaire contient des carottes en massepain de la Migros, même si nous fêtons toujours notre anniversaire à Lisbonne. Ils aiment la cipollata et l'ovi, connaissent la piscine d'Allenmoos et se font couper les ongles des pieds en comptines suisses-allemandes.
Trois ans se sont écoulés depuis que mon mari et moi avons déménagé au Portugal avec nos garçons. Le plus grand avait alors un an et demi, le plus jeune quelques semaines à peine. Que représentera un jour la Suisse pour eux ? Peut-elle être un foyer pour eux, même s'ils ne grandissent pas ici ? Qu'est-ce que je veux leur transmettre de ce pays où je suis né et où j'ai vécu jusqu'à récemment, et qu'est-ce que je ne veux pas leur transmettre ?
Ce qu'ils n'ont pas besoin de savoir de la Suisse : L'hymne national. Qu'il existe encore des endroits où l'on ne peut pas faire la lessive le dimanche. Ce que dit la Weltwoche.
Mes enfants n'ont pas besoin de se sentir suisses dans toutes leurs fibres pour se sentir bien ici. Après tout, même si je suis né ici, certaines choses me sont toujours restées étrangères. Je me demande toujours où les gens disparaissent chaque dimanche, laissant des quartiers entiers sans vie. Je ne comprends pas non plus comment on peut savoir aujourd'hui que l'on va rencontrer Sabine pour un café le 9 décembre. A dix heures et demie. Au Tibits. Au fond, près du coin jeux.
D'un autre côté, je suis convaincu, comme beaucoup de Suisses, qu'on peut piétiner dans la forêt avec ses enfants même quand il pleut, que la modestie est une vertu et qu'un apprentissage professionnel n'a rien à envier à une formation académique. Je suis également consciente du privilège que représente le fait d'être suisse, ainsi que du fait que je n'ai absolument rien fait pour naître dans un pays aussi sûr et prospère, et qu'il n'y a donc aucune raison pour moi (et pour tous les autres Suisses) de m'enorgueillir de cela.
En fait, je souhaite surtout que mes enfants grandissent en sachant qu'il y a plus d'une réponse à la plupart des questions. Que leur identité ne se nourrit pas principalement de l'un ou l'autre pays dont ils possèdent le passeport, mais du fait que l'on peut se sentir chez soi dans plusieurs endroits. Probablement que la maison est simplement un endroit où il y a des gens qui vous attendent .
Journaliste et maman de deux fils passionnée, j’ai déménagé de Zurich à Lisbonne en 2014. J’aime bien rédiger mes textes dans un café et je trouve que la vie m’a plutôt bien gâtée.<br><a href="http://uemityoker.wordpress.com/" target="_blank">uemityoker.wordpress.com</a>