
En coulisse
"Dans ma vie privée, je suis végétalien"
par Carolin Teufelberger
L'obsession du fitness a fait que le blanc de poulet connaît un engouement depuis des années. Beaucoup de protéines, peu de graisse, pas de goût du tout. Un règlement de comptes avec le morceau de viande le plus triste du monde.
La poitrine de poulet est l'équivalent en chair et en os de l'agglomération suisse de maisons individuelles dispersées : sans profil et triste. Elle est plus vulgaire qu'un tableau de Rolf Knie ou qu'un spectacle de Divertimento. Elle est le centre politique de l'industrie de la viande. Le slogan du PBD "Ennuyeux, mais bon" aurait tout aussi bien pu être choisi par l'association interprofessionnelle "Proviande" pour la poitrine de poulet.
Un coup d'œil sur le Rapport agricole montre que la viande de volaille suisse se vend de mieux en mieux. Certes, la consommation par habitant a quelque peu baissé dans l'ensemble, mais les Suisses font leurs achats de manière plus réfléchie et se tournent vers les produits suisses. Du point de vue de la durabilité, c'est certainement réjouissant. Ce qui l'est moins, c'est qu'une grande partie de la viande se retrouve sous forme de poitrines dans les plats préparés et sur le gril. Plus de 13 millions de kilos de poitrine de poulet sont consommés chaque année, comme l'indique "Proviande" sur demande. A titre de comparaison, il se vend dans le même temps 8 millions de kilos de cuisses de poulet. Qu'est-ce qui pousse donc les gens à consommer un morceau de viande qui n'a pas de goût et qui a encore moins d'allure?
La poitrine de poulet est le morceau de viande du flexitarien soucieux de sa santé. Il ne mange "jamais" de viande. Sauf la poitrine de poulet. Depuis des décennies, les bibles du fitness et les programmes de nutrition vantent le blanc de poulet comme le morceau "sain". Peu de graisse, pas de cholestérol, beaucoup de protéines et peu de goût. Dans ces milieux, l'absence de goût de la poitrine de poulet est considérée comme un gage de qualité. Vous pouvez assaisonner votre poitrine de poulet à votre guise, elle n'a pas de goût particulier. A chacun son morceau individuel. La viande devient un support pour les épices, les marinades et les sauces. Elle n'est rien de plus que le morceau de pain qui sert de support au beurre, à la confiture et à la pâte à tartiner à base d'huile de palme et de noisettes au petit-déjeuner. Maintenant, vous pourriez dire "Bien préparée, elle n'est pas non plus sèche ! C'est vrai. Mais bien préparée, la poitrine n'a toujours pas de goût. Et la plupart du temps, la poitrine est mal préparée.
Alors que l'on observe depuis longtemps une tendance à manger l'animal entier ("nose to tail") chez le porc et le bœuf, le poulet a toujours un statut particulier. Au moins, l'industrie a trouvé un moyen d'utiliser les restes. Elle nous sert des carcasses pressées à travers des tamis sous forme de nuggets de poulet, d'escalopes ou de cordons bleus. Là encore, l'essentiel est que vous ne voyiez pas la forme originelle.
Dans les visions dystopiques du futur, les gens mangent des aliments gris aux formes indéfinissables. Ce qui devrait susciter le dégoût des spectateurs de la part des auteurs et des réalisateurs est aujourd'hui une réalité depuis longtemps. La poitrine de poulet ressemble à une vision d'horreur culinaire. Seul le fait de faire revenir le morceau lui confère une légère coloration et dissimule ainsi la viande d'un blanc grisâtre. Si vous blanchissez le blanc de poulet, il pourrait sortir tout droit de "The Matrix". Son aspect gris et triste vous fait oublier qu'il s'agissait autrefois d'un animal. Pas de peau, pas d'os, pas de graisse, pas de veines, pas de sang. Juste un morceau de protéine
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Laissez donc tomber la poitrine de poulet. Ne mangez pas de viande du tout. Ou achète des cuisses de poulet, des ailes de poulet et des poulets entiers. Ils offrent une peau croustillante, une viande juteuse et des cartilages croquants. C'est du poulet. Une fois que vous avez surmonté les poitrines de poulet, vous pouvez aussi vous offrir des foies de poulet. Ou des cœurs de poulet. Ou des crêtes de poulet. Si vous le souhaitez, vous pouvez même manger des nuggets et des escalopes de poulet. C'est dans ces derniers que l'on retrouve le reste des poulets qui ont dû perdre la vie pour obtenir leurs poitrines. Tout cela est bien meilleur que les poitrines de poulet.
Malheureusement, la demande détermine l'offre. Les coachs sportifs gonflés à bloc recommandent les poitrines. Leurs disciples les suivent aveuglément. Vous pouvez d'ailleurs me suivre en cliquant en bas de mon profil d'auteur. Vous recevrez un e-mail dès que je publierai un nouvel article.
Lorsque j’ai quitté le cocon familial il y a plus de 15 ans, je n’ai pas eu d’autre choix que de me mettre à cuisiner pour moi. Cela dit, il ne m’aura pas fallu longtemps avant que cette nécessité devienne une vertu. Depuis, dégainer la cuillère en bois fait partie intégrante de mon quotidien. Je suis un vrai gastronome et dévore tout, du sandwich sur le pouce au plat digne d’un restaurant étoilé. Seul bémol: je mange beaucoup trop vite.