En coulisse

Une question de vie ou de mort

Patrick Bardelli
14/10/2019
Vidéo: Manuel Wenk

À la recherche de pistes dans le canton des Grisons. La chasse y a une longue tradition et est solidement ancrée dans la société. J'accompagne trois chasseurs.

Je suis réveillé. Dehors, il fait nuit noire. Je suis dans mon sac de couchage dans la cabane de chasse et j'écoute la nature. Quelque chose se balade autour de la maison en reniflant. Peut-être un sanglier ? Je regarde ma montre et vois qu'il est cinq heures moins dix. Il y a quelques heures, nous étions assis autour d'un ragoût de cerf et de vin rouge à la lueur des bougies. Claudio, Marco et Marc, les chasseurs des Grisons et moi. Ils m'emmènent chasser à Piz Beverin. Il est temps de se lever.

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Pour le petit déjeuner, il y a du café et des tartines de pain avec de la confiture et du fromage. Ensuite, on est parti. Un nouveau jour nous attend. L'aube s'annonce, timide comme le gibier, hésitant sur les crêtes des montagnes. On se recueille. Comme dans une église. Nous parlons à voix basse. J'accompagne Marco au « Heli 1 », tandis que Claudio et notre Video Producer Manuel se mettent en route vers le « Töbeli ». Les noms que les chasseurs ont donnés à leurs positions décrivent le terrain. Le « Töbeli » se trouve dans un vallon où Claudio et Manuel passent la matinée. « Héli 1 » ressemble en effet à une zone d'atterrissage pour un hélicoptère. C'est ici que Marco et moi nous installons. Entre-temps, Marc s'est installé à la position « Heli 2 ».

En plein jour : à gauche on descend vers « Heli 1 », à droite on va au « Töbeli ».
En plein jour : à gauche on descend vers « Heli 1 », à droite on va au « Töbeli ».

Rester immobile

Marco et moi sommes assis dans le noir et attendons. Les premiers rayons de soleil touchent les sommets et baignent la terre devant nous dans une lumière froide. Au bout d'une demi-heure, je réalise douloureusement ce que je sais depuis longtemps : je n'arrive pas à rester en place. Bien que la vue sur les montagnes des Grisons soit sublime, la position est tellement inconfortable que je dois la changer toutes les quelques minutes. Entre temps, Marco est assis là, sans bouger. Avec les jumelles, il observe le terrain devant nous. « Ça va ? » chuchote-t-il. Je hoche la tête – c'est un mensonge. Et me demande si cela ne dérange pas le chasseur expérimenté – Marco chasse depuis 29 ans – de s'asseoir à côté d'un citadin qui n'arrête pas de bouger. Si c'est le cas, il ne le montre pas.

Nous restons assis à Heli 1 presque trois heures. Et parlons de la pluie et du beau temps. Mais surtout de hockey. Marco était le gardien de but de l'EHC Chur dans les années 80. Il jouait entre autres avec Thomas Vrabec dans la même équipe. Aujourd'hui, il travaille comme physiothérapeute indépendant. Je lui demande presque s'il ne peut pas regarder mon genou gauche, qui me fait mal depuis quelques semaines. Mais je laisse tomber cette idée. « Aujourd'hui, la manière dont nous nous entraînions il y a 30 ans me fait rire », dit Marco. Et poursuis : « Quand on avait des courbatures, on disait: super, continue l'entraînement. Ce qui est complètement faux du point de vue actuel. Puis il y avait aussi cet exercice de monter et descendre les tribunes du stade en sautant comme une grenouille. On pouvait presque plus marcher le lendemain. » Nous rions doucement et nous nous taisons à nouveau, les jumelles devant les yeux. Le gibier n'est pas au rendez-vous.

De temps à autre, je fais semblant de devoir aller faire pipi. Ainsi j'ai une bonne raison de me lever et de me dégourdir un peu les jambes. À quelques pas de là, Marc est en position sur Heli 2. Il est allongé sans bouger, et surveille le terrain à l'aide de ses jumelles. On pourrait presque penser qu'une poupée est couchée au sol tellement il est immobile.

Marco va vers « Heli 1 ».
Marco va vers « Heli 1 ».

Une question de vie ou de mort

Peu de temps après, je suis de nouveau assis à côté de Marco. Nous attendons, observons et parlons des joueurs suisses dans la NHL et de leurs perspectives pour la nouvelle saison. Et puis il me raconte comment il a abattu deux biches en un jour, une semaine avant ma venue. D'abord l'une puis quelques secondes plus tard l'autre. C'était vers midi. Il s'était assis vers Heli 1 avant l'aube et avait attendu six heures. « C'est comme ça avec la chasse », dit-il. « Tu attends, observes, es perdu dans tes pensées et soudain le gibier est là. » Je me rends soudainement compte que pendant que nous parlons de hockey, pour les cerfs et les chevreuils, c'est une question de vie ou de mort. Ça me fait bizarre.

Pourquoi est-ce qu'on chasse encore aujourd'hui ? J'ai voulu répondre à cette question lors de ma visite ici aux Grisons avec les chasseurs. Quand Marco me parle de son expérience de chasse, je le regarde dans les yeux et je vois un mélange de fierté, de gratitude et d'humilité, presque de douleur. Et même si je ne comprends pas vraiment la chasse, je comprends maintenant pourquoi il chasse.

« On ne fera pas mouche aujourd'hui. Retournons à la cabane. » Marco s'est levé et a rangé son équipement dans son sac à dos. Le gibier ne veut pas se montrer. Aucun cerf ni chevreuil ne mourra ici et maintenant. « Tu penses que les Suisses décrocheront l'or l'an prochain aux Championnats du monde ? », je questionne Marco sur le chemin du retour. « C'est possible. » Ce serait bien de gagner le titre de champion du monde de hockey sur glace à domicile, mais ce n'est pas une question de vie ou de mort.

Les « maîtres des lieux » devant leur cabane : Marco, Claudio et Marc.
Les « maîtres des lieux » devant leur cabane : Marco, Claudio et Marc.

Les chiffres liés à la chasse dans les Grisons se trouvent ici. De plus amples informations à ce sujet peuvent être obtenues auprès de l'Office de la chasse et de la pêche du canton des Grisons.

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Ancien journaliste radio devenu fan de story telling. Coureur confirmé, adepte du gravel bike et débutant en haltères de toutes tailles. Quelle sera ma prochaine étape ?


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