Test de produit

Version bêta de Photoshop Camera à l'essai

Adobe a créé une application d'appareil photo recourant à l'intelligence artificielle pour l'analyse, l'isolation et l'édition d'éléments sur la photo, à peu à l'instar des filtres Instagram. Mais cette appli recèle tellement plus.

La dernière application mobile d'Adobe – Photoshop Camera – est disponible pour un public test limité. Jetons un coup d'œil à cette « application d'appareil photo axée sur l'IA et qui met la magie de Photoshop entre vos mains ». L'application est probablement la plus fascinante que j'ai vue cette année, même si elle présente encore des problèmes de taille.

Tout d'abord, l'obstacle majeur : dans la version actuelle, divulguée par un canal de développement, il faut disposer d'un compte Adobe Creative Suite pour utiliser l'application, ce qui signifie qu'elle revient au moins à 11,85 CHF par mois, prix qui pourrait néanmoins changer dès la sortie finale de l'application, prévue en juin 2020.

Nouveauté, instabilité, faiblesse

Photoshop Camera ne fait rien d'autre que d'appliquer des filtres à vos photos avant la prise de vue. Il existe à cet effet trois modes :

  1. paysages : changement du ciel ;
  2. personnes : modification de l'arrière-plan ;
  3. générique : ajustement des valeurs des couleurs ou ajout d'effets.

À cette fin, l'application dispose de 17 profils de filtre, chacun d'entre eux fournissant entre cinq et sept filtres, divisés par thèmes : « Pop Art », « Adobe Max », « Double Expo » ou encore « Analog ».

L'interface utilisateur de l'application, minimaliste, englobe le déclencheur et la sélection des filtres en bas, la bibliothèque de filtres, le bouton de réglage et la fonction de basculement entre le module photo principal et selfie en haut.

Selon Adobe, l'application est uniquement disponible sur les appareils suivants : Pixel3/XL, Pixel4/XL, Samsung S9/S9+, Samsung S10/S10+, Samsung Note 9, Samsung Note 10/10+ et iPhones supérieurs à l'iPhone 6s. Après trois minutes d'essai, on se rend néanmoins compte que cette application fonctionne également sur un Huawei P30 Pro, ce qui écarte certainement la théorie selon laquelle seuls les téléphones Snapdragon ou Apple sont compatibles. Cela étant, l'appli n'est pas stable, elle plante de temps à autre, normal, puisqu'elle est toujours en cours de développement. Sur le Google Pixel 3 XL, elle se veut un peu plus stable.

Au lancement de l'appli, on remarque rapidement que Photoshop Camera a besoin d'une bonne dose de puissance. Comme elle calcule en temps réel les effets de la photo finie sur l'écran, l'appli oscille à la fois sur un Google Pixel 3 avec 4 Go de RAM, un Huawei P30 Pro avec 8 Go de RAM et un Samsung Galaxy Note 10+ avec 12 Go de RAM. Elle fonctionne sur tous les téléphones, mais n'est pas particulièrement rapide. En contrepartie, tous les téléphones sont chauds après une utilisation prolongée de l'application.

C'est impressionnant. Enfin une appli qui exploite vraiment toutes les ressources système des téléphones phares des marques en les poussant à leurs limites.

L'appareil photo et le ciel

Pour l'utilisateur, l'application est très simple. Pour la machine, en revanche, elle constitue une réalisation majeure exigeant un haut degré d'abstraction et de compréhension ultra rapide d'une photo. L'appli divise une photo en couches, l'édite pendant son utilisation et affine cette première étape d'édition lors de sa première visualisation. Tout cela est effectué par une machine qui ne comprend ni la tridimensionnalité ni la gradation. Apprendre à une application à faire cela est complexe. Le fait que l'appli mette en œuvre cette fonctionnalité en même temps que Photoshop Camera est impressionnant et montre presque en passant à quoi pourrait ressembler la photographie sur smartphone du futur.

Après avoir lancé l'application et sélectionné un filtre – par exemple «Night Shift» 3 sur 5 –, vous êtes invité à pointer l'appareil photo vers un objet avec un ciel. « Find a sky » s'affiche alors sur l'écran. Dès que l'appareil photo détecte quelque chose qui pourrait être un ciel, elle le remplace par une lune gigantesque dans l'aperçu en direct.

Ce filtre fonctionne beaucoup mieux à la lumière du jour que dans l'obscurité ou la nuit, les contrastes entre la terre et le ciel étant plus marqués. En effet, comme le dit le proverbe, la nuit, tous les chats sont gris, et ce n'est pas les Cat's Eyes qui nous diront le contraire.

D'après les données EXIF, cette photo a été prise à 16 h 42. Le résultat est particulièrement bon malgré une application encore imparfaite. Avec les transitions fines comme les nuages, l'appareil photo a encore du mal.

Ce qui est intéressant, c'est que l'on peut voir l'application en plein calcul. Avant d'appuyer sur le bouton de l'obturateur, on voit à peu près ce que le logiciel photo calculera plus tard. Alors que l'iPhone X avait des capacités similaires à l'époque et calculait des arrière-plans entiers à partir de l'image, on ne pouvait pas les voir en direct à l'écran. Vous preniez une photo, l'appareil calculait en arrière-plan et, avec un peu de chance, vous obteniez un résultat correct. L'iPhone ne le faisait qu'avec des visages qui se ressemblent tous plus ou moins ; un nez, deux yeux et une bouche, en général dans la même zone. Mais un ciel, c'est tout autre chose, et cela demande beaucoup plus de compréhension de la part de la machine.

Ce qui n'est pas mal, c'est d'ajuster le premier plan et de créer une photo plus ou moins convaincante de jour pour la nuit, soit une photo prise en journée, mais censée représenter la nuit, une technique courante dans le monde du cinéma, car il est plus facile de tourner de jour que de nuit.

Avec les visages

Photoshop Camera peut également traiter les visages moyennant la fonctionnalité « Find a Face ». Le logiciel recherche alors les yeux, la bouche, le nez. Ici, l'application remplace généralement les fonds et modifie les couleurs des visages.

Ça n'a pas l'air d'être spectaculaire. Snapchat y arrive aussi avec son filtre chien. Pratiquement toutes les applis d'ailleurs. Photoshop Camera rend tout simplement la chose plus complexe et moins kitsch.

Sur un fond neutre, cela fonctionne parfaitement, car l'application arrive à distinguer les gens du monde qui les entoure. En présence d'arrière-plans, cela devient un peu plus difficile, mais dans le pire des cas, le résultat est toujours acceptable. Le filtre « Pop Art 1 » est particulièrement adapté à cette fin, car il rend le sujet de la photo bleu et le fond orange. C'est la meilleure façon de voir comment l'appareil photo pense.

Un reste insignifiant

Le troisième type de filtre est celui qui ajuste simplement certaines valeurs de couleur. En comparaison, ils sont assez ennuyeux et quelconques. Un filtre nourriture ? Oui, on s'est compris.

Par souci d'exhaustivité : la photo d'origine.

On peut l'ignorer. Je ne sais pas pourquoi une application le propose. Si Instagram veut continuer à se lancer à corps perdu là-dedans, c'est son problème, mais Adobe peut mieux faire.

Où sont les données ?

Les images de Photoshop Camera ne sont pas stockées sous forme de JPG dans la mémoire interne. En d'autres termes, votre application de sauvegarde de photos normale, comme Google Photos, n'accède pas aux photos. Elles peuvent en effet être éditées après avoir été prises. Je soupçonne donc que les fichiers sont stockés quelque part au format PSD, un fichier Photoshop à plusieurs couches. Une recherche rapide sur le téléphone par « PSD » et autres formats courants de Photoshop et Adobe ne permet pas de trouver de photos. Elles ne vont pas non plus dans le cloud, car elles ne sont pas dans votre bibliothèque Adobe, qui se synchronise entre les appareils. De plus, l'application fonctionne parfaitement, même sans connexion réseau.

Cela ouvre la porte à la gestion des données de l'application. Adobe doit encore y consacrer beaucoup de travail. L'application bêta est fonctionnelle, mais elle a encore de la marge question amélioration.

Résumons : Adobe stocke les photos, divisées en couches, quelque part.

Bien que Photoshop Camera puisse analyser des photos, il n'est pas possible de télécharger ni de modifier des images provenant d'autres applications. Dommage. Ensuite, il y a le problème d'exportation des données. Il existe deux types d'exportation.

  1. Le partage (Share).
  2. Le téléchargement (Download).

Pour pouvoir traiter les données plus avant et générer éventuellement plusieurs versions d'une photo – par exemple, l'une avec Night Shift 3 et l'autre avec Spectrum 1, mais à partir de la même photo –, il ne faut pas recourir au téléchargement, car cette technique convertit la photo de la couche en JPG avec les effets que vous venez de définir et exporte le cliché vers une galerie de téléphone normale. Heureusement, le JPG original de l'appareil photo est également exporté. En revanche, le « Partage » crée une copie avec les effets actuels sans toucher à la couche photo.

Question gestion des données, on a vu mieux, surtout si l'application est censée s'adresser aux personnes créatives. Il existe une raison pour laquelle l'application est un peu prétentieuse : les filtres sont triviaux et ennuyeux après trois utilisations.

Mais les possibilités de l'application sont presque illimitées. Imaginez une application qui sépare proprement le premier plan de l'arrière-plan, une application qui a déjà une compréhension des valeurs de couleur. Génial, non ? En tant que photographe, vous ne devez plus diviser manuellement une photo en plusieurs couches, car le logiciel le fait déjà pour vous. Au lieu de cela, vous pouvez vous concentrer sur l'aspect créatif de l'édition de photo et le travail manuel fastidieux et imprécis devient inutile.

Mais le problème, c'est que Photoshop Camera est encore très limité et que vous, en tant qu'utilisateur, ne pouvez pas accéder aux données, ce qui conduit ainsi à ce type de situations :

j'ai pris une photo de Jeanine.

Comme filtre, j'ai choisi Spectrum 4.

Ayant par erreur appuyé sur « Download », je ne peux plus régler le filtre. Dommage !

Néanmoins, le JPG est en haute qualité. Je peux donc l'utiliser sur le PC après exportation. Voilà le résultat :

Avec quelques efforts, on obtient quelque chose de sympa finalement, même sans deuxième photo. Mais en réalité, c'est nul, car j'ai dû chercher moi-même des solutions créatives au lieu de pouvoir compter sur mon application à 11,85 francs par mois.

Beaucoup de si

Photoshop Camera d'Adobe est probablement l'application la plus fascinante que j'ai vue ces derniers mois. Je ne sais pas très bien quel est le public cible. Pour les instagrammeurs ou les amateurs, c'est trop cher, pour les professionnels, pas assez souple voire superflu. Personne n'acceptera de débourser 12 CHF par mois pour deux ou trois filtres.

Mais une application capable de séparer les couches de manière fiable, indépendamment et dans de bonnes conditions d'éclairage... ça vaut son pesant d'or. Surtout dans un contexte professionnel, elle permettrait d'économiser beaucoup de temps et d'argent. Les quelques filtres préinstallés peuvent alors rester comme ils sont, à condition que les utilisateurs aient la possibilité d'accéder aux données générées par l'application et travailler avec eux. Par exemple, si je peux commencer un projet avec Spectrum 3, j'économise cinq minutes de travail par photo. Ensuite, quand les filtres deviendront un peu plus souples et me laisseront déplacer les rectangles de couleur à ma guise, la création du projet se fera presque toute seule.

En bref, l'appli Photoshop Camera serait convaincante si...

  • elle coûtait moins cher ;
  • les filtres étaient mieux ;
  • les filtres étaient plus souples ;
  • disposait d'une meilleure interface utilisateur ;
  • permettait une plus grande interaction avec les données brutes ;
  • les photos filtrées n'étaient pas réduites avant d'être exportées.

Installée en l'état sur mon téléphone, l'application, qu'elle soit en version bêta ou pas, ne convient à personne. Néanmoins, le fait qu'une application puisse déjà faire autant de choses au stade bêta laisse présager un avenir passionnant pour la retouche photo et permet d'espérer que ce dernier nécessitera beaucoup moins d'intervention manuelle à l'avenir.

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Journaliste. Auteur. Hackers. Je suis un conteur d'histoires à la recherche de limites, de secrets et de tabous. Je documente le monde noir sur blanc. Non pas parce que je peux, mais parce que je ne peux pas m'en empêcher.


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