
Guide
Le pain est mort, vive le pain 2.0
par Simon Balissat
Mon odyssée se termine. Après d'innombrables tentatives, conseils et adaptations, j'ai enfin réussi à faire un bon pain à la levure. Mais pas sans le coup de main d'un expert.
« Eh bien, à la maison, je fais généralement une poolish pour ne pas retrouver le goût de la levure après... », m'explique Thomas Doetkotte, enseignant spécialisé en boulangerie à l'école professionnelle Richemont. C'est du chinois pour moi. « C'est tout simple. Il te suffit de prendre 100 grammes de farine, 100 grammes d'eau et une pincée de levure sèche. Ensuite, tu mélanges le tout et tu laisses cette pâte fermenter au réfrigérateur toute une nuit. » Le lendemain, j'ajoute cette pâte levée aux ingrédients habituels, ainsi qu'une demi-cuillère à café de levure. « Ensuite, il faut bien plier ! » Euh... Quoi ?
Thomas sait de quoi il parle. Il a notamment fait partie du jury pour l'élection du meilleur pain de Suisse. Après plusieurs essais infructueux dans la confection de pain, j'ai fini par l'appeler. « Plier, signifie que tu dois « plier » la pâte de l'extérieur vers l'intérieur dans le récipient. Et répéter ce geste en faisant tout le tour du récipient. » Je le fais donc une fois toutes les heures pendant que la pâte lève, ainsi, je ne dois pas pétrir aussi longtemps après. Génial. Et pourquoi utiliser de la levure sèche, il n'y avait plus de levure de boulanger fraîche ? « La levure sèche est aujourd'hui bien meilleure que sa réputation. Elle a longtemps été de mauvaise qualité, mais ça n'est plus le cas. Elle est désormais presque comparable à la levure fraîche. Il en faut beaucoup moins. On parle généralement d'un tiers : c'est-à-dire qu'il suffit d'un tiers de la quantité de levure fraîche que tu aurais utilisée. »
Après 12 heures, je mets la pâte au réfrigérateur pour une nuit afin d'éviter qu'elle ne fermente trop. Ce n'est pas absolument nécessaire, mais « deux précautions valent mieux qu'une », dit Thomas. Le matin suivant, la pâte doit s'acclimater à la température ambiante pendant deux heures.
Jusque là, je faisais trois choses correctement : avec 65 % d'humidité, le rapport entre la farine et l'eau était « assez bon », dit Thomas, de même 2 % de sel est « absolument standard ». Enfin, la cuisson dans une cocotte à 220° dans mon four classique est « la méthode la plus facile pour obtenir de bons résultats ». Tout n'était donc pas à jeter dans les pains 1.0 et 2.0.
Il est magnifique, n'a plus un goût de levure exagéré, la mie est parfaitement aérée sans être friable et la croûte est toujours croustillante même après deux jours. Ce pain est meilleur que celui que vous achetez au supermarché ou à la station-service. Bien sûr, les pains artisanaux des boulangeries jouent dans une autre ligue et sont toujours meilleurs. Mais j'ai réussi à faire ce que je voulais et je n'en suis pas peu fier. Après tout, cela n'a pris que trois semaines.
Voici donc la recette de mon pain 3.0
Poolish
Mélangez ces ingrédients et mettez-les au réfrigérateur à couvert toute une nuit :
Pâte
Mélanger la pâte à la main ou à l'aide d'une cuillère en bois jusqu'à ce que toute la farine soit incorporée. Couvrir et laisser reposer à température ambiante.
Après deux heures, décoller la pâte tout autour du bol et la replier sur elle-même.
Répéter cette action régulièrement.
Mettre la pâte au réfrigérateur toute une nuit.
Préchauffer le four à 240° et y faire chauffer la cocotte avec le couvercle.
Donner la forme souhaitée à la pâte, saupoudrer le bol de farine et laisser lever la pâte encore une heure.
Une fois la pâte levée, sortir la cocotte du four et y placer le pain sur du papier sulfurisé.
Scarifier le pain et enfourner la cocotte à couvert au milieu du four. Baisser la température du four à 220°.
Après 30 minutes de cuisson, retirer le couvercle et laisser cuire le pain jusqu'à ce qu'il soit bien doré. Cela prend environ 15 minutes.
Immédiatement après la cuisson, retirer le pain de la cocotte et le laisser refroidir sur la grille pendant une heure.
C'est fini. Le pain est prêt.
Pour illustrer mon odyssée et parce que j'ai eu beaucoup de temps pour y réfléchir, j'ai fait modifier l'affiche du film « The Boat » par mon collègue graphiste Severin Keller.
Jusqu'à présent, j'utilisais de la farine blanche pour mon pain, j'essaie maintenant avec de la farine rustique. J'ai pu dégotter ce type de farine, alors que la farine blanche n'est plus disponible dans le supermarché près de chez moi. J'avais choisi de faire du pain blanc pour une raison toute simple. Je pensais que je ne pouvais rien faire de mal, parce qu'après tout, la farine blanche est de la farine blanche. On en trouve partout et elle est toujours pareille. J'avais tort. Thomas Doetkotte, spécialiste du pain, m'explique qu'il existe un type de farine blanche, qui convient plutôt pour le pain, et un autre qui est plus adapté aux gâteaux et aux biscuits. L'utilisation de la farine dépend de la quantité de gluten qu'elle contient. Mais je ne sais pas comment déterminer le type de farine que j'achète, l'emballage ne donne aucune indication sur le type de farine blanche dont il s'agit.
Mon expérience des derniers jours et des dernières semaines montre qu'il est préférable de toujours utiliser la même farine, si possible. Cela permet d'éliminer une source d'erreurs. Le type de farine n'a aucune importance, vous pouvez utiliser de la farine rustique, de la farine mi-blanche ou de la farine blanche. Si je connais ma farine, je sais que je ferai un bon pain.
Mes prochaines aventures pâtissières sont déjà planifiées. J'ose m'attaquer au levain et à la pâte feuilletée. C'est reparti pour de nouvelles aventures.
Lorsque j’ai quitté le cocon familial il y a plus de 15 ans, je n’ai pas eu d’autre choix que de me mettre à cuisiner pour moi. Cela dit, il ne m’aura pas fallu longtemps avant que cette nécessité devienne une vertu. Depuis, dégainer la cuillère en bois fait partie intégrante de mon quotidien. Je suis un vrai gastronome et dévore tout, du sandwich sur le pouce au plat digne d’un restaurant étoilé. Seul bémol: je mange beaucoup trop vite.