
En coulisse
La roue tourne
par Michael Restin
Un vélo original, à l’image de cette ville. Cette semaine, je me promène dans la métropole rhénane au guidon du X Speed Pinion de Klever Mobility. Voyons comment le S-Pedelec s’accommode de la constitution de la ville de Cologne.
Imaginez une zone industrielle en périphérie de Cologne, tout au fond d’une arrière-cour des plus discrètes. À côté vrombit l’autoroute A1, l’une des plus fréquentées d’Allemagne. L’avenir se cache ici. L’équipe de Klever Mobility travaille à proposer une solution de remplacement à la voiture pour les trajets pendulaires : les S-Pedelec, ces vélos électriques capables d’atteindre 45 km/h et nécessitant une plaque d’immatriculation, peuvent également s’avérer un choix judicieux pour les trajets plus longs supérieurs à 30 kilomètres. Ou plutôt pourraient. « En Suisse, vous êtes en avance », me dit le chef de produit, Daniel Wilden qui me remet mon vélo d’essai.
Alors qu’en Allemagne, les S-Pedelec doivent s’aligner derrière les voitures et sont interdits sur les pistes cyclables, c’est justement là qu’ils doivent circuler chez nous. Sur les pistes cyclables, si tant est qu’elles existent. Il est également permis d’y accrocher une remorque pour enfants. Les Flyer et les Stromer sont aussi nombreux à circuler. Pour rappel, en Allemagne, seulement 6 700 S-Pedelec ont été vendus l’année dernière contre 19 000 en Suisse, soit plus que partout ailleurs en Europe. Espérons que la tendance se poursuivra, car il reste encore beaucoup à faire pour rendre les routes vraiment favorables aux cyclistes.
Quoi qu’il en soit, mon test est de toute manière soumis à la constitution de Cologne ; onze adages élevés au rang de règles d’or pour la population colonaise. « Et es wie et es » dit le premier article. Ainsi va la vie. Jouons cartes sur table : jusqu’à présent je n’avais encore jamais entendu parler de Klever. Pourtant, le vélo que me présente le chef de produit ne manque pas d’attirer l’œil. Au lieu de se cacher quelque part dans le tube diagonal, la batterie anguleuse comme un bidon d’essence se place au milieu du cadre, dont la forme spéciale est reflétée par le porte-bagages.
Alors que je me fais à cette esthétique, mon collègue, Philipp Rüegg, qui est actuellement à la recherche d’un vélo et à qui j’ai montré le S-Pedelec par écran interposé, m’a dit « nooooon » avec une mine crispée. « C’est clair que le design est clivant », admet Daniel Wilden.
Klever est une filiale du fabricant de scooters Kymco. Le design original est peut-être un hommage à ses racines motorisées. En tout cas, le X Speed n’essaie pas de cacher le fait que la puissance ne vient pas seulement des jambes du cycliste. Le plus grande partie est générée par un moteur roue qui promet une puissance importante sur le X Speed Pinion avec 600 watts et un couple de 49 Nm. À titre de comparaison : le moteur Stromer le plus puissant du ST5 développe 800 watts pour 48 Nm. Klever prévoit également une variante avec 800 watts.
Alors que les moteurs centraux de Bosch et cie dominent le marché des vélos électriques jusqu’à 25 km/h, le moteur roue est plus courant sur les S-Pedelec plus rapides. La puissance est transmise directement à la roue au niveau du moyeu, les autres composants sont moins sollicités. Le système Biactron sans balais de Klever est garanti cinq ans. Je vais le tester pendant une semaine à travers la Rhénanie et vous raconter mes impressions dans l’esprit de l’article 2 de la constitution de Cologne : « Et kütt wie et kütt » (Il faut prendre la vie comme elle vient).
Dans la vie de tous les jours, j’utilise un singlespeed avec un moteur roue, qui fournit une puissance supplémentaire au démarrage ou en côte sur simple pression d’un bouton. Le moteur est tellement bruyant que si je veux épater les autres cyclistes avec mon apparente supériorité physique, je dois couper le moteur à temps quand je les double et profiter de l’élan. Nous avons également à la maison un vélo électrique à moteur central, dont le vrombissement constant trahit l’assistance. Je fais un premier tour avec le X Speed : silence total. Alors que le vélo déploie une puissance impressionnante, je ne perçois que le souffle du vent.
Bien sûr, j’ai déjà remarqué que les S-Pedelec ne sont pas bruyants. Et pourtant, je suis soufflé au début : la courroie de transmission et le moteur sont inaudibles. Le seul bruit que j’entends est le claquement de la boîte de vitesses encapsulée Pinion lorsqu’elle passe à un autre des douze rapports. Et quand les puissants freins à disque Magura mettent le paquet. Sur route sèche, ils gazouillent, sur route humide, le bruit se transforme en un grincement strident.
Cela suffit pour que les piétons, qui traversent la route sans faire attention, rejoignent en vitesse le trottoir. Un renard, qui ne m’avait pas remarqué sur une route de campagne, a lui aussi échappé de peu à la crise cardiaque. Le freinage est indolore avec autant de puissance sous les fesses. Après quelques tours de pédales, le compteur de vitesse ne tarde pas à afficher à nouveau 40 km/h. Même pas besoin de rétrograder sur le plat.
La fourche à suspension RockShox Recon Air montée l’avant du X Speed assure un certain amortissement grâce au débattement de 100 mm et aux pneus de 27,5 pouces (Schwalbe Super Moto X). Le ressenti reste néanmoins sportif et ferme. À grande vitesse, le cadre rigide en aluminium transmet certains chocs et je pense à la tige de selle suspendue en option. Globalement, le look, la position assise et le démarrage fulgurant forment un ensemble très cohérent.
À mon avis, avec un cadre de couleur plus voyante, le X Speed a encore plus fière allure, mais même ainsi, il sort du lot. La forme du cadre autour de la batterie toute en angles ne permet pas un tube supérieur droit ni un cadre bas. C’est comme ça : la tige de selle dépasse largement, quelle que soit la taille de la personne en selle. Les câbles disparaissent dans la potence et sont posés dans le cadre.
Ce vélo possède sans aucun doute une signature unique. Le Klever X Speed Pinion n’a pas à rougir de ses performances routières. Ce S-Pedelec qui pèse 29 kilos se montre puissant, agile et maniable. Le poids est agréablement réparti, mais la monture a besoin d’énergie.
« Une batterie spéciale, non ? » J’ai à peine mis pied à terre devant la cathédrale sur les bords du Rhin que le premier curieux s’approche. Casquette à l’envers sur la tête et masque sur le menton, il m’écoute ébahi alors que je lui explique le concept et que je lui parle de mon test. « Eh ben, t’as un super boulot, hein? » Aujourd’hui, je suis d’accord avec lui. Ce n’était pas le cas il y a deux jours quand, sous une pluie battante, on m’a chassé d’une route de campagne à coup de klaxon. Au moins, il me restait encore de la batterie.
Je ne suis pas fan des batteries surdimensionnées. Elles pèsent lourd et sont rarement vraiment nécessaires. L’autonomie doit correspondre à l’itinéraire régulièrement emprunté. Et comme les S-Pedelec visent principalement les navetteuses et navetteurs, celle-ci est clairement définie. La distance que vous permet de parcourir une charge de batterie dépend de nombreux facteurs : le poids, le profil du parcours, la pression des pneus, la température et l’entretien du vélo, pour n’en citer que quelques-uns.
Ne partez pas du principe que vous vous contenterez en permanence d’une assistance minimale. Le mode Power est trop tentant et devient vite une habitude. Dans ce cas, l’autonomie diminue rapidement. Klever a des batteries de 360, 570 et 850 Wh dans son assortiment et – c’est un avantage du design – il y a encore de la place dans le cadre : une variante de 1200 Wh sera bientôt disponible. Mon vélo d’essai est équipé en série d’une batterie de 850 Wh. Et vous en aurez besoin. « Drinkste ene met ? » (Tu prendras bien un verre ?) Dans l’esprit de l’article 10, le X Speed ne se le fait pas dire deux fois pour vider la batterie au niveau d’assistance le plus élevé. Si vous mettez vraiment le turbo, ça peut déjà être tendu à 40 kilomètres sur du plat.
Mon circuit typique est le suivant : je rejoins le centre-ville depuis la banlieue située à quatorze kilomètres, je me déplace en ville et je rentre le soir. Le plus souvent avec une assistance au pédalage élevée et parfois moyenne. Je fais quelques tours supplémentaires autour du pâté de maisons jusqu’à ce que la batterie soit complètement vide. Avant cela, le vélo réduit automatiquement les niveaux de soutien un par un pour augmenter l’autonomie. Il se réserve l’énergie restante pour assurer l’allumage du phare.
Avec les quelque 80 kilos que je pèse, chargement compris, je parcours exactement 53,5 kilomètres en plaine. L’autonomie est un peu plus importante en ville avec une assistance minime, mais qui donne encore suffisamment de propulsion. Dans les zones à 30, je n’ai pas besoin de beaucoup de puissance pour me glisser aisément dans la circulation. Un autre jour, je conduis de manière plus économique et après 55,6 kilomètres, il me reste plus d’un tiers de la batterie à l’arrivée. Mais il faut aussi savoir se faire plaisir, et cela ne commence vraiment qu’au niveau deux.
Si vous envisagez de recharger la batterie au bureau, vous allez vous faire des ennemis parmi vos collègues. Le ventilateur du chargeur rapide est beaucoup plus bruyant que le X Speed dans la rue. Dans la cave ou dans le garage, ce n’est pas un problème. Dans un appartement, pour vous imaginer le niveau de bruit, c’est un peu comme si quelqu’un se séchait les cheveux pendant quatre heures derrière une porte fermée. Klever devrait sortir un chargeur silencieux sans ventilateur à la fin de l’année.
Il me faut une montagne. Ce n’est pas si facile à Cologne, où la cathédrale surplombe tout et où le point le plus haut est le Monte Troodelöh qui culmine à 118,04 m (sic) au-dessus du niveau de la mer. J’ai vécu ici pendant six ans et j’ai toujours trouvé énervant qu’on me parle de « montagne » pour me signaler une ascension soi-disant difficile. Tout est plat ici.
A l’exception de onze monticules de décombres, qui ont été remblayés après la Seconde Guerre mondiale. Je me sers de l’un d’eux comme piste d’essai. Le X Speed peut fournir à la batterie un peu d’énergie par récupération. Plus exactement, la récupération en roue libre et au freinage est possible et utile sur un terrain correspondant.
J’ai réglé les deux sur « Automatique ». Je ne le remarque qu’à grande vitesse, le grondement de la récupération se fait entendre dès que j’arrête de pédaler ou que j’appuie sur la poignée de frein. Une petite barre sur l’écran indique qu’un peu d’énergie est renvoyé à la batterie. Pour tester l’effet en descente, je me rends au sommet de l’Herkulesberg, qui a en effet une pente considérable.
En réalité, je ne devrais pas circuler ici, mais le Pedelec silencieux ne dérange pas les joggeurs en plein effort. Je roule très lentement et je dois rétrograder pour que le moteur puisse fournir sa puissance à basse vitesse. Au sommet, je fais passer la récupération en roue libre au niveau 3 qui est le plus élevé. Je peux donc redescendre la colline sans freiner en ne dépassant pas les 15 kilomètres à l’heure.
Sur les longues descentes, cela permettrait certainement de récupérer des quantités d’énergie intéressantes et de ménager les freins. Le réglage automatique est avantageux dans la vie de tous les jours. Au bout d’un moment, je le désactive complètement. Dans la plaine du Rhin, l’article 4 de la constitution de Cologne s’applique : « Watt fott es es fott ». Ce qui est fait est fait, inutile de continuer à y penser. L’énergie utilisée ne reviendra pas.
Pour démarrer le Klever X Speed, vous avez besoin d’un dongle. Le mot fait penser au dialecte de Cologne, mais c’est du jargon technique anglais pour une petite clé que vous branchez dans la prise correspondante sur l’écran. Après un petit temps d’attente, vous la retirez et le vélo est prêt à démarrer. Une fois, l’écran m’a fait une frayeur en me disant « Wrong E-Key » parce que je l’avais branchée trop rapidement. Sinon, ça marche parfaitement bien.
Dès que vous éteignez l’écran, l’alarme est activée, à moins que vous changiez les paramètres. Si le vélo reste immobile pendant une période prolongée, un bip sonore indique que l’écran est maintenant éteint et que le mode de sécurité est activé. Si quelqu’un trafique votre vélo, une alarme se déclenche et la roue arrière se bloque. Daniel Wilden m’a raconté que son X Speed avait passé une nuit dans le centre de Cologne sans aucun cadenas.
Il s’est probablement inspiré de l’article 3 de la constitution de Cologne : « Et hätt noch noch jot jejange » (Tout s’est toujours bien passé jusqu’à maintenant.) Et ça s’est bien passé, il l’a retrouvé le lendemain vingt mètres plus loin. Il a eu de la chance, car sinon, c’est un autre adage qui s’applique : « Watt fott es es fott » (Ce qui est fait est fait). Le vélo ne dispose pas de système de repérage GPS. En revanche, toutes les pièces importantes sont identifiées par leur numéro de série.
Il m’est arrivé de perdre mon dongle dans la rue. Heureusement que je m’en suis aperçu au bout de quelques mètres. On laisse le dongle à Cologne ? Pas forcément. Je me souviens au moins que deux sont fournis et qu’ils peuvent être bloqués et recodés si nécessaire. Les dispositifs de sécurité sont utiles. Il n’y a pas toujours un humoriste de la télé pour veiller sur les vélos. Même si c’est truqué, il faut admettre que c’est pas mal.
La commande centrale est simple. Elle ne gagnera probablement pas le prix du design, et elle n’est pas non plus visionnaire. Ce n’est pas forcément un problème tant qu’elle répond aux besoins individuels. Certains diront « Do laachste dech kapott » (article 11) (Ris à t’en décrocher la mâchoire) à la vue du composant classique et se tourneront vers des systèmes totalement intégrés comme ceux de Stromer. Un écran couleur est placé dans le tube supérieur, le vélo communique par carte SIM sur le réseau de téléphonie mobile et se met à jour automatiquement.
D’autres utilisateurs invoqueront l’article 6 à la vue de toutes ces fioritures : « Kenne mer nit, bruche mer nit, fott domet » (On ne sait pas ce que c’est, on n’en a pas besoin, alors poubelle !). Ils n’ont pas besoin de toutes ces fonctions supplémentaires et se contentent d’un écran LCD sur le guidon qu’ils peuvent lire facilement même en plein soleil sans avoir à tordre le cou.
Sur le X Speed, vous voyez la vitesse et le niveau d’assistance. Cela suffit dans de nombreux cas. Les boutons caoutchoutés vous permettent de naviguer entre High, Medium et Low ou de désactiver complètement l’assistance. Le bouton Info permet de basculer entre le kilométrage quotidien, l’heure et d’autres informations que les compteurs de vélo affichent toujours. Une pression longue sur ce bouton mène au menu où vous trouverez par exemple les modes de récupération et où vous pourrez régler les niveaux d’assistance selon vos désirs.
Il y a aussi un bouton qui, lorsqu’on appuie dessus en déplacement, fournit immédiatement la pleine puissance du moteur. Vous pouvez donc rouler avec une assistance réduite et appuyer sur le bouton si nécessaire. Malheureusement, l’avertisseur sonore est situé juste en dessous et il m’arrive de confondre les deux. La fente pour la clé électronique est cachée derrière un couvercle.
Le symbole Bluetooth indique qu’il existe également une application que Klever n’a pas mentionnée jusqu’à présent. Trop d’utilisateurs ont trouvé que c’était une rigolade. Il est clair que l’entreprise devra s’y atteler si elle veut également attirer le groupe cible qui a intégré les usages technologiques du XXIe siècle. Si vous configurez vous-même votre brosse à dents par une application, vous vous attendrez d’autant plus à pouvoir faire de même avec S-Pedelec et à le déverrouiller via Bluetooth.
Un écran couleur moderne est en préparation. Il sera probablement disponible l’année prochaine et sera facile à monter sur les modèles existants. Selon l’article 5 : « Nix bliev wie et wor. » (Rien n’est immuable), même si les moins accros aux smartphones devraient également se satisfaire du statu quo, car il a fait ses preuves et fonctionne bien. Ils s’inspirent de l’article 8 « Mach et jot ävver nit ze off » (Privilégie la qualité à la quantité).
Le S-Pedelec de Klever offre d’excellentes qualités routières. J’ai eu le droit de tester la version de luxe avec courroie de transmission et boîte de vitesses Pinion. Elle est coûteuse, mais nécessite peu d’entretien et surtout, elle est extrêmement silencieuse. Équipé d’autres composants, le X Speed est plus abordable. La posture assise légèrement sportive, y compris la suspension ferme, reste identique.
Si un chargeur rapide et silencieux et un écran moderne figurent en tête de vos priorités, vous devrez attendre ou vous équiper ultérieurement. Si le langage de conception ne vous plaît pas du tout, restez zen et remettez vous-en à l’article 1 : « Et es wie et es. » (Ainsi va la vie).
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Écrivain amateur et père de deux enfants, j’aime être en mouvement et avancer en équilibre sur le chemin sinueux de la vie de famille. Je jongle avec plusieurs balles et il m’arrive parfois d’en faire tomber une. Il peut s’agir d’une balle, ou d’une remarque. Ou des deux.